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Histoire de Nausicaâ BlackmeansL’éclaireur trouva l’enfant dans la neige. Le couffin avait été fabriqué à la va-vite, une corbeille de joncs aménagée par quelques coussins et des draps, ils avaient du être d’un bon prix, mais ils étaient abîmés et déchirés. Il n’avait rien trouvé d’autre, pas de traces de ces parents qui avaient cachés sous cette racine leur bien le plus précieux. Il n’avait vu que quelques traces de sang, un peu de lutte, et rien d’autre. Mais il y avait trop de loups ici. Ou d’autres choses. Ils avaient du finir dévorés. Il revint au couffin. Sa traque des incursions orcs s’arrêtait là, la gamine n’avait qu’une dizaine de mois, elle ne survivrait pas au froid bien longtemps. Il s’étonna des draperies. Elles devaient être elves. Il n’en avait pas vu souvent. Mais ce qui le surprit était l’épée, emballée de linges, laissée à coté. Une épée trop lourde pour être maniée, trop complexe, trop grande. Trop belle aussi. Une arme d’apparat, sans doutes. Il n’en reconnaissait pas le style. Elve elle aussi ? Il manqua de laisser là l’épée, mais si les parents avaient confiés à la Lumière leur enfant et cette arme, cela devait bien avoir un sens. Il mit plusieurs jours à revenir à Stormwind. A son retour dans les casernements, il se décida à éviter trop d’explications sur ce couffin et cette gamine. Il n’avait pas d’enfant, et elle était là. Quand à l’épée, de toute façon, elle ne servirait à personne, un bras humain ne la manierait pas, et il doutait qu’elle ai jamais été faite pour cela. Il n’eut pas de mal à confier la gosse à une fermière, et acheva son service, quelques semaines plus tard, pour la reprendre. Et reprendre le cours de sa vie. Il était drapier. Ca n’intéresse personne, mais c’était le métier de sa famille depuis des générations, et il avait son siège dans la guilde des drapiers de Stormwind. Il avait son propre cheval de guerre, et il avait payé lui-même ses bottes et son épée, plutôt que de prendre le chiche équipement que les légions arrivaient à fournir en ces temps de guerre permanente. Il avait un grand don pour courir dans les bois, et cela lui avait offert de ne jamais se retrouver au front. Enfin, jamais à devoir charger la Horde. Car il avait souvent été le premier à atteindre un front de guerre, pour revenir à toute hâte prévenir des avancées de ces ******ries d’orcs. Il aimait son métier, sa famille, et Lumière qu’elle était grande, et sa jeune femme, une lointaine cousine délicate, soumise, et qu’il avait eu la sagesse de rendre heureuse et lui offrir une place plaisante. Et il était aisé, sinon riche. Un digne héritier de la vieille famille marchande des Blackmaens. Il revint chez elle, présenta à sa douce Maran cette petite fille, et leur vie reprit. La petite fille fut reconnue officiellement devant toute la famille, et baptisée à sa seconde année. Quand à l’épée, elle décora le fronton de sa cheminée. La guerre ne cessa pas. Tous les ans, il servait huit semaines comme éclaireur, et le reste de l’année, il travaillait à son échoppe, surveillant le travail des tisserandes, et prenant les commandes des riches étoffes qu’il revendait aux bourgeois et aux précieuses. La vie s’écoula ainsi, la fillette apprit à parler, puis lire, puis écrire, et il accepta la demande du curé de confier l’éducation de sa fille à l’abbaye. Après tout, si elle était douée, si elle était cultivée, elle n’en serait qu’un meilleur parti à l’heure de la marier. Et ce qu’elle apprendrait pourrait permettre de soigner un jour les guerriers qui, chaque semaine, revenaient à la ville, épuisée, blessée, mutilés. La fillette ne sut jamais clairement comment elle était devenue la fille de Slaen Blackmaens, mais elle savait qu’elle avait été trouvé, et que cette épée d’elf l’accompagnait. Elle devint une parfaite fille de la famille, éduquée, respectueuse, élégante, modeste, et disciplinée. A sa onzième année, elle savait qu’elle serait novice de l’abbaye, et on la destinait déjà à devenir prêtresse. Elle n’y voyait aucun inconvénient, et la fierté de sa famille et de son père étaient des récompenses suffisantes. Sa seule passion était les romans de chevalerie et les grandes légendes amoureuses. Et les récits sur le peuple elf, dont elle se nourrissait, curieuse d’en rencontrer le peuple un jour. Un été, Slaen ne revint pas. Trois mois plus tard, c’est un capitaine qui annonça officiellement que l’éclaireur Slaen Blackmaens était mort en mission. Maran devenait veuve à vingt-six ans, avec ses trois enfants. La famille Blackmaens prit les choses en main. Passée l’année traditionnelle de deuil, il fut convenu de lui trouver un époux, et cela fut fait rapidement, toujours dans le cercle fermé de la Guilde des drapiers. Cela ne changea pas grand-chose. Au pire était-il, lui, simplement incapable de toute forme d’affection paternelle. Il n’était là que pour gérer, prendre les rênes de la draperie et profiter de sa belle et jeune épouse –il avait quinze ans de plus. On ne demanda pas comment les enfants supportèrent la mort de leur père, et ce nouveau chef de famille sans compassion. Le propos n’a pas lieu d’être, les mariages sont une institution sociale, non une affaire de cœur, en tout cas pas dans ces milieux là. Et la famille Blackmaens réglait ses soucis de gestion et d’argent. Le seul prix pour ce mariage était la promesse que l’aînée de Maran serait promise en mariage au frère cadet du nouvel époux. Cela scellait une alliance de famille bourgeoise, et les Shiredwin avaient insisté pour cet arrangement. La jeune fille serait mariée à quinze ans, après sa nomination en tant que Prêtresse de la Lumière Sacrée. On présenta les futurs époux à leurs fiançailles, un an avant le mariage. Son futur époux s’avéra peu différent de son frère aîné, avec simplement cinq années de moins. Guerrier dans l’âme, il voyait dans la guerre avant tout une façon magnifique d’auréoler sa gloire, et de gloire, il en avait, de rumeurs de massacres sanguinaires de l’ennemi qui ne faisaient encore qu’augmenter sa légende. Et ses quelques rares cicatrices, restant des rares coups qui avaient pu passer l’armure complète qu’il avait fait faire sur mesure par un Maître Nain, étaient autant pour lui sujets à cracher ses exploits de sa voix rauque de lieutenant de cavalerie. Il était orgueilleux, il était violent, il était sans pitié, il avait mainte fois tué et détruit au nom de son Roi, et il en était fier. Et son œil brillait, et son regard se troublait de désir en voyant sa promise, magnifique et parfaite représentante d’une éducation de femme au foyer dont il pourrait tirer non seulement plaisir, mais orgueil de plus. L’année s’écoula pour la jeune fille dans la crainte de celui qui allait devenir son mari. Le peu qu’ils avaient pu échanger lui promettait une vie recluse, une vie à servir dans une maison dont il vantait déjà la future richesse, et la beauté qu’elle gagnerait à en être l’écrin de la perle qu’on lui offrait. Romantisme, ou amour, tout cela était loin, les récits de chevaliers servant ne sont visiblement que des récits et des romances. Vint le temps de la cérémonie, et elle fut, comme prévue, nommée prêtresse de la Lumière Sacrée, avec les félicitations béates des abbés qui avait été ses professeurs ; Trois jours plus tard, elle devenait actrice d’une autre cérémonie, tout aussi grandiose. Elle était mariée à Ioan Shiredwin et prenait son nom, et venait vivre dans sa maison et sa famille. La nuit même, devant son refus, il prit son dû et viola sa jeune épouse, avant de la battre et de l’enfermer dans un réduit pour lui donner une leçon d’obéissance. Elle supporta sa nouvelle vie sept semaines, avant de fuir. Elle réunit juste un sac de vivres, quelques sous qu’elle vola dans le coffre de son époux, et l’épée de famille qui trônait toujours sur le fronton de la cheminée, et qui avait fasciné son époux. Mais elle refusait de laisser son héritage entre les mains de son bourreau. Elle prit la route. Le monde des elfs était loin, le monde lui-même était une chose qui lui était inconnue, elle n’avait jamais voyagé plus de quelques lieues. Mais plus elle serait loin de Stormwind, et de son époux, plus elle serait protégée par la distance. Aux quelques voyageurs et aubergistes qui lui parlaient, elle dit juste qu’elle se nommait Nausicaa… |