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Une folie de plus, par Duvnarel LidakdelUne fille. Elle me conta une part de son histoire. Je compris assez rapidement qu'elle était recherchée et qu'en faisant cela, elle me faisait une confiance absolue. Naïve ? Sans aucun doute. Jeune et naïve. Imprudente aussi. Mais il peut m'arriver de l'être encore. Je ne sus pourquoi je lui proposai de l'aider dans sa quête. A Ironforge, relativement loin de tout risque de mauvaise rencontre pour elle, je convoquais l'un de mes amis, Thorgen l'Archiviste. S'il existe des personnes sur Azeroth qui peuvent avoir des informations au sujet de cette fille, les Archivistes constituaient un excellent parti pour commencer ces recherches. Premier échec. La rencontre avec Thorgen s'avéra un fiasco. Je compris qu'elle n'était pas remise de ce qu'elle avait subi. Son mari, l'être immonde qui la cherchait, l'avait battu et violé, et moi, j'amenai devant ses yeux un guerrier humain, le symbole de ce que représentait son mari, qui plus est, et je n'en veux pas à Thorgen pour ça, un être rendu amer par sa rupture avec son aimée dans des circonstances qui me pèsent tout autant qu'à lui. Je pensais redonner à Thorgen un peu du goût de vivre à travers son rôle d'Archiviste, mais pour finir, devant son inertie, son désintérêt total, je m'énervai et lui dis ce qu'il ne fallait pas. Nous en restâmes là Thorgen et moi. Lui avec son mal de vivre indicible, et moi avec le sentiment d'échec. Je laissai la jeune fille dans les bras de sa compagne, Zénia, une sentinelle kaldorei, qui nous avait rejoins, et je quittai cet endroit chaud et bruyant le coeur gros. Toutefois je ne pouvais abandonner. J'avais promis à cette fille que je l'aiderai, que les Archivistes pourraient lui rendre service. Je leur écrivis une lettre pour demander de l'assistance, en précisant bien la nature fragile de ma protégée. J'obtins pour réponse que Tyranael pourrait peut-être m'aider. Je me mis donc à pister la jeune fille jusqu'au Carmines, où je comptais que l'Archiviste nous rejoigne. Tyranael semblait apparemment occupée à autre chose. Je ne fis donc qu'amener la nouvelle. La jeune fille était au plus mal. Elle semblait se remettre de blessures terribles, dont j'aperçus les marques sur son corps frèle. Mon coeur se serra. Je saignais de la voir ainsi. Zénia me pria de partir, ce que je fis pour aller chercher quelques plantes et composer une potion qui pouvait l'aider à se remettre. Je revins avec les remèdes et lui donnait, ainsi que mes recommandations quant au traitement de ses blessures. Elle et Zénia me remercièrent puis je quittai la chambre d'auberge où elles s'étaient retranchée, non sans avoir précisé que les Archivistes avait dépéché quelqu'un pour s'occuper d'elle. A Lakeshire, montée sur Ouvam, j'attendis. Je ne savais pas où aller. M'éloigner de l'endroit où se trouvait cette fille blessée et pourchassée était au dessus de mes forces. Je ne pouvais pas les laisser toutes les deux, elle et Zenia, mener seules leur existence dans un monde qui leur était hostile. Mais avais-je le droit de m'impliquer ? J'étais encore tiraillée par le tragique echec de mon intervention dans les affaires d'Oradunn et Thorgen, deux êtres séparés autant par ma faute que par les circonstances de leur enlèvement. Je n'eus pas à décider à ce moment, de ce que j'allais faire. Je n'en eus plus l'occasion avant longtemps. Lorsqu'elles me trouvèrent, pensive, juchée sur mon tigre, me demandant si je voulais les aider à résoudre les problèmes des citoyens de la ville avec les Blackrock et les Gnolls, je dis oui. Et je ne les quittai plus. Nous taversâmes le Loch Modan, les Paluns et le Bois de la Pénombres ensemble. Déesse, que j'appréciais leur compagnie. Mon amour était loin, toujours loin de moi plongé dans ses recherches ou ses méditations. Est-ce que comme moi, il souffrait d'être en ce monde, des luttes qu'il menait pour un univers échappant à sa compréhension ? Ces jeunes femmes comblaient un peu de ce vide. Si je n'étais pas convaincue du bien fondé des actions que j'entreprenais à leur côtés, leurs convictions me suffisaient, me donnaient la force de vouloir le faire. Et puis, un après-midi à Darkshire, je commis la seconde erreur. Une erreur qui faillit couter la vie à ma protégée. Elle avait été attaquée, quelques heures plus tôt à Stormwind. Je la trouvais réfugiée à Darkshire, en compagnie de Teiana, une elfe que j'avais déjà rencontré quelques mois plus tôt à Ironforge. Cette elfe avait été son chirurgien. Je ne demandai pas de détails sur cela. Nous échangeâmes quelques propos sur l'état de santé de la jeune fille avant d'aborder cette histoire d'agression. Des voleurs qui avait voulu s'emparer de l'Epée... Ah l'Epée ! Elle est au coeur de tout le problème. Loredala, ainsi que Prikat l'Archiviste a rebaptisé ma jeune amie, possède une Epée. Dois-je dire une malédiction ? Cette arme semble être la clé de son passé. Grande, belle, inutilisable en tant qu'arme, l'Epée est le coeur des interrogations. Et lors de cette agression, elle devint le coeur de tous nos ennuis. Les assaillants voulait l'Epée. Teiana et Loredala parvinrent à leur échapper. Et moi, comme une sotte, je faisais les déductions qui allait conduire la jeune fille à sa perte. La vie même de Loredala était menacée par le fait qu'elle possède cette Epée. En cachant l'objet, en le mettant dans un lieu où nul ne pourrait la trouver, nous donnions de l'importance à la vie de sa porteuse, que personne n'oserait tuer avant de savoir où se trouve l'arme. Un raisonnement qui donnait de la valeur à la vie de Loredala pour n'importe quelle personne intéressée par l'arme, et encore fallait-il mettre la main sur elle. Loredala ne devait jamais retourner à Stormwind, là où son mari réside et peut la trouver à tout moment. Là où les murs ont des yeux et des oreilles. Je proposais de mettre l'épée dans un lieu difficile à atteindre, Reflet-de-Lune. Loredala se sépara avec difficulté de l'arme, se rendant néanmoins à mon jugement. Aussitôt après, je disparus, emportant l'épée à Nighthaven. Quelle ne fut pas ma déconvenue en entendant l'objet gémir, puis chanter et enfin hurler. Au début, résolue à l'enfouir au fond du lac Elune'Ara, je me dis que l'endroit était trop fréquenté par les jeunes druides en formation pour prendre un tel risque. L'objet eut été inerte que cela n'aurait eu aucune importance. Ce n'était pas le cas. Aussi, m'envolai-je pour Auberdine. Là, l'Epée faisait un bruit terrible et inhumain de plainte. Dans mon esprit, un message désespéré de Teiana me parvenait, mais je n'en compris pas la signification de suite. J'enfonçai l'Epée dans les flots, au large d'Auberdine. Loredala, le nom choisi par Prikat, signifiait, la Mer Voilée. Quel meilleur endroit pour y cacher l'histoire de ma protégée ? Lorsque je remontai à la surface, à nouveau un message de détresse. Plus clair cependant. Loredala était au plus mal. Mon coeur se serra à ce moment. Qu'avais-je donc fait ? Comprenant alors qu'il pouvait y avoir un lien entre cette épée, magique à l'évidence, et la vie de Loredala, je réfléchis vite et pris encore une décision des plus pitoyable. Je laissai l'épée là où elle était et imaginait qu'il y avait un substitut : l'Eau des Puits de Lune. Quelle folie me prit alors ? Parvenant à vaincre l'attirance quasi irresistible que l'Eau des Puits à sur moi, j'en prelevait une fiole et l'enfouis dans mon sac. Usant de ma pierre de foyer pour me ramener à Stormwind, j'enfourchai un griffon pour voler jusqu'à Darkshire. Là, je retrouvai Loredala dans le coma. Teiana s'occupait d'elle mais ne savait quoi faire. Je lui tendis mon absurde remède. Mon plaisir de la voir réagir à mon substitut fut immédiatement tempéré par la portée folle de mon geste. Je venais de condamner Loredala à une dépendance peut-être plus terrible encore. A moins que ses origines elfiques que, j'attribuais aux Haut-Elfes, ne fassent qu'elle s'en porte mieux. Mais j'étais horrifiée. Je ne voulais pas savoir si je lui avait fait du bien ou du mal. Je m'étais trompée. J'avais commis une erreur de plus. Il fallait réunir à nouveau l'Epée et Loredala... Au plus vite. J'ordonnai à Teiana de l'emmener jusque dans les Serres-Rocheuses. Là, je comptais les rejoindre après avoir récupéré l'arme maudite. J'y arrivai avant eu, cachait l'épée et revint sur mes pas pour les guider jusqu'au Pic. Là je pus restituer l'épée à Loredala. Zénia avait fait partie du voyage. Devant elles trois, je ne me sentais pas bien. Je venais de démontrer une fois de plus l'ampleur des catastrophe que je provoque. J'avais honte. Non seulement ça, mon coeur était pétri par mes doutes, malaxé par mes incertitudes. Elune, si tant est qu'elle existe, m'avait ramené du Grand Sommeil, quelques mois plus tôt, pour me condamner à accomplir les pires erreurs qui soient dans ce monde déjà fou. Je rennonçai à rester à leurs côtés, ne faisant, par ma présence, qu'accroître le danger que Loredala courait. Je ne voulais pas la blesser, et je l'avais fait. Rien n'est plus terrible que cette constatation. Un coup de poignard, qui insinue le froid dans tout votre être, et, quand il se retire, emporte avec votre sang, le froid dans l'oubli. Je suis partie. J'ai erré là où
attendait mes services les plus simples. Ceux que je ne manque pas d'accomplir
avec zèle et efficacité : tuer. Et puis, j'entendis l'appel
mental de Loredala. Elle souhaitait ma présence, elle était
seule. Je ne pouvais pas me désister. Je n'y arrivai pas. J'étais
sur Kalimdor et j'empruntai un hypogriffe pour me rendre au Pic des Serres-Rocheuses.
J'y rencontrai Teiana qui était revenu et qui, devant les yeux
de Loredala, démontait son Epée. "Demonter" est
le mot. La plupart des décorations étaient factices. Qu'est-ce
que je faisais là ? Ma protégée sembla croire que
je pouvais lui dire ce que les décoration cachait : une arme. Certes,
une arme mais une arme dont on peut se servir, de facture ancienne...
Une arme de Bien-Né ! Un froid ma parcourut l'échine quand
la lame se posa dans mes mains pour que je l'examine. A quoi bon mentir.
Je savais pertinemment qu'il s'agissait là du résultat de
l'art profane des Quel'Dorei. Qu'etais-je venue faire ici ? Zénia
nous rejoignit. Loredala semblait attendre que je lui apporte des réponses.
Alors je proposai de détruire l'arme. La réaction de Zénia,
fut immédiate, et la mienne aussi : Comme je regrette ces mots. Je suis sortie de la maisonnée où l'on se trouvait, et là, je fus convaincu que je n'avais véritablement plus ma place en ce monde. Comment l'expliquer ? Les mots ne suffisaient pas. Teiana sortit à ma suite et Zénia aussi, tandis que Loredala, épuisée, se reposait à l'intérieur. Je ne trouvais pas les arguments, je n'arrivai à rien. Teiana semblait croire que j'allais mettre fin à mes jours. Zénia... J'ignore ce qu'elle pensait. Prise d'une impulsion, je me mis à compter mon histoire. Cela me fit du bien et m'aida à y voir clair. Peut-être comprirent-elles aussi ma situation. Toutes ces erreurs depuis 8 mois, depuis le réveil... Finalement, j'arrivai à une conclusion logique : ce monde n'était pas le mien. J'avais trop vécu. Ce n'était pas à moi de destituer Fandral et de démanteler son abect projet. Comme moi, Fandral vit dans le passé, et dans son égo en plus. Cela, l'avenir de notre peuple, était dans les mains de personnes comme Teiana ou Zénia. Elles auraient à faire pour y parvenir, mais cela valait mieux. Puis Loredala sortit de la maison et nous rejoignit. Elle n'avait pas entendu mon histoire mais son regard étrange me fixa avec intensité. Quelque chose d'incompréhensible se produisit en moi. Je répétais que je n'avais plus de rôle à jouer, plus de place, et soudain, je déclarai ce qui traînait au fond de mon coeur sans que je sache pourquoi : "j'aurai tellement voulu avoir une fille". Le temps s'arrêta. Tandis que Loredala s'excusait de m'avoir entraîné là-dedans, elle se rapprochait de moi. Sous le regard de Teiana et Zénia, elle me tendit la main et je la pris. Une onde de bien être se répendit en moi. J'avais envie de sourire. Elle me regardait avec amour, les larmes au bord des yeux. Je ne pus resister. Je ne sus si je n'en eus envie qu'à cet instant où si mon inconscient le souhaitait depuis le jour de notre rencontre. Je la pris dans mes bras. Elle me dit que je pouvais être sa mère. Qu'est-ce que cela me faisait comme bien t'entendre cela. Elle eut été humaine que je n'aurai pas compris. Mais elle portait du sang elfe. Qu'elle soit ou non ma véritable fille n'avait pas d'importance. Oui, je voulais qu'elle soit ma fille. Nausicaâ, de son vrai nom. Ma fille. Le temps n'a repris son cours que bien plus tard. Les heures avaient pu s'écouler, je n'en savais rien. Pour la permière fois depuis mon réveil, je découvrais une raison de me battre. Le pont d'amour jeté entre nos deux générations éloignées, m'invitait à continuer la lutte. Je me fichais du monde, mais je voulais le faire, pour elle. Tant que j'aurai un souffle de vie à consacrer à l'avenir, il serait pour elle. Ô Arowän. Mon amour. J'aimerai te dire tout cela. Il me tarde de te revoir. Il te faut comprendre que celle que tu aimes, et qui t'aime, a trouvé une nouvelle raison de vivre. Avec toi, j'en ai deux. Nausicaâ, Arowän, je vous aime.
Moment de bonheurHeureuse. Jamais encore je n'avais ressenti un tel bien être. C'est comme la source d'une eau fraiche dans laquelle on se plonge pour échapper à la chaleur d'un après-midi, l'on ressent le plaisir de l'onde solaire irradier à travers la fraicheur de l'eau. Chaque mouvement raffraichi le corps, l'immobilisme le réchauffe, et dans chacun des cas, le plaisir demeure, intense, varié, imposant calme et sérénité, tranquillité, joie. Je ressens tout cela à la fois. La fraîcheur de l'instant, sa sérénité, sa joie et plus encore. J'ai envie de rire, de chanter même, et la Déesse sait que je ne sais pas chanter. Lorsque Nausicaâ est devant mes yeux, je fond de bonheur, un feu brûle en moi, et les mots que je veux lui dire se bousculent aux portes de mes lèvres. Je n'en dis jamais assez, car j'ai l'impression que le temps me manque. J'ai une vie à partager avec elle et il se peut qu'elle ne suffise pas, mais je suis heureuse. Heureuse. D'autant plus que de voir à quel point elle l'est, elle aussi, ne fait qu'accroître l'intensité de ce magnifique présent que la vie m'a offert. Nous nous renvoyons, l'une et l'autre, un amour qui s'exprime sans limite, qui s'enfle à chaque voyage entre nos êtres, dans nos yeux, dans nos mots, dans nos gestes. Je pourrais la tenir dans mes bras et oublier le reste du monde. Tout cela est merveilleux, et aussi étrangement différent de ce que je ressens pour Arowän. J'en viens à penser que j'ai toujours été capable de ressentir cela, alors même que je n'en avais pas conscience. Tout cela est au delà de tout ce que j'ai pu imaginer par le passé. Je devais le partager avec mon amour millénaire. Ses pensées s'étaient trop éloignées du Rêve, il ne m'entendait pas. J'étais avec Nausicaâ, dans le refuge que nous lui avions trouvé. Je lui ai offert une robe, et elle fondit en larme devant ce présent. Comme j'aime l'intensité des émotions qui se succédaient sur son visage, ne cachant rien de son émoi. Elle enfila la robe tandis que je me changeai aussi. Je n'avais pas l'air d'une mère aimante, avec mon armure pleine de poussière. Je passai une robe et la retrouvai pour parler avec elle. Elle ne me connaissait pas vraiment. Je devais lui raconter ma vie. Même si je suis vieille, je n'avais pas tant à dire pour qu'elle comprenne mes souffrances passées. Mais je me surpris à penser qu'elles n'étaient rien en comparaisons des siennes. Ma pauvre enfant, battue, blessée, et même violée. Comme j'avais mal pour elle. Et il n'y a que ma douceur et ma volonté de lui faire du bien qui retenait ma soif inextinguible, cette rage de retrouver son mari et de le découper en morceau. Durant mon récit j'évoquais les douleurs de mon retour à la conscience, 8 mois plus tôt, sortie du Grand Sommeil, sans mémoire, sans passé... Et mes longues retrouvailles avec Arowän, ponctuée de moments de détresse. Je ne pus retenir mes larmes quand j'évoquai ce moment terrible où, dominée par ma Soif, je faillis tuer mon amour. Comme sa présence était douce et agréable, quand elle me prit dans ses bras, j'oubliai presqu'aussitôt ce terrible moment. Lorsque j'eus fini mon récit, je tentais à nouveau de joindre mon amour, et il me répondit enfin. Je lui demandais, un peu abruptement je l'avoue, de me rejoindre. Et il se mit en chemin. Avec ma fille, nous allâmes l'accueillir. Comme j'appréhendai ce moment. Qu'allait-il penser de moi ? Que ferai-je s'il réagissait mal ? Je me portai à sa rencontre, seule, quand je le vis se poser. Je dus avoir l'air trop sérieuse ou grave. Je l'embrassai tendrement, et lui souriait, mais je savais qu'il se forçait, intrigué par ma requête. Alors je dûs lui dire quelque chose d'assez abrupt comme : "j'ai adopté une fille". L'étonnement, la surprise et l'incompréhension se succédèrent sur son visage, tant il ne comprenait pas la portée de ma déclaration. Après quelques explications, il semblait plutôt ravi de mon engouement et me demanda si c'était un évènement heureux ou pas, et comment il convenait de le traiter. Comme je me sentis sotte. Evidemment, que j'étais heureuse, mais j'avais eu tellement peur qu'il ne comprenne pas. Mais il ne l'avait pas encore vu, et j'appréhendai tout autant ce moment. Avant de lui présenter, je lui recommandai, dans notre langue, de se montrer doux et aimable, et de ne pas aborder certains sujet, lui révélant les souffrances de Nausicaâ. Les premiers moments de la rencontre furent timides et hésitants, mais Arowän sut la mettre à l'aise et je n'avais pas changer une once de mon comportement. J'étais sa mère. Cette entrevue ne changeait rien. Ne changerait rien. Et puis la conversation se détendit. Mon amour plaisanta, nous souriâmes et rîmes de bon coeur. De ce coeur qui débordait de félicité et de bien-être. Déesse, je n'en pouvais plus. Comment avais-je pu croire que le bonheur existait avant de l'avoir connu et vécu comme je l'ai vécu à ce moment ?... Comme je le vis encore. J'avais envie de danser, d'expulser toute cette puissante émotion qui s'était emparée de moi, par tous les moyens que je pouvais... Lorsque, croulant sous le poids d'une semblable exaltation, Nausicaâ se nicha dans mes bras, j'invitai Arowän à nous entourer des siens. Il le fit... Je n'ai pas de mot. Je ne saurai décrire cet instant parfait. Personne ne remarqua la larme qui perla sur ma joue et se perdit dans les cheveux de ma fille. Une larme, une seule, qui contient tout ce que j'ai éprouvé à cet instant. Je ne sus combien de temps dura ce moment. Nous continuâmes à parler, ainsi enlacés, et en vinment à nous séparer, non sans regret pour ma part. Nous abordâmes le sujet de l'Epée et Arowän frémit. Il comprit le problème que posait cet Epée. Sachant que l'un des Archivistes s'occupait déjà de cette enquête, il insista pour prendre les choses en main. Je le remerciai intérieurement pour cela. Je me rendais compte qu'il avait compris l'importance de Nausicaâ pour mon bonheur, qui est aussi le sien. Je réprimai une larme. Nous allâmes à Auberdine pour y relever le courrier de ma fille. Arowän nous laissa là, pressé d'aller exhumer ses précieuses archives pour en tirer les renseignements que nous cherchions sur le passé de Nausicaâ. Elle tomba sur une lettre que j'avais envoyé avant de la "trouver". Une lettre qui l'étonna et que je la priai de détruire, et nous retournâmes à notre refuge. Là, pour la première fois, je partageai sa couche et nous nous endormîmes, face à face, le regard perdu dans les yeux de l'autre. Le lendemain, Zénia nous rejoignit. Je ne me sentais plus de joie et je voulais mettre la jeune elfe à l'aise avec moi. Non que j'eusse à prévoir de passer ma vie avec elle, mais parce qu'elle était l'amour de ma fille, je devais mieux la connaître et me faire apprécier. Cela était aussi important pour moi que la réaction d'Arowän. Prise d'un petit grain de folie, je m'amusai à la projeter dans l'eau d'un bassin proche, puis m'y lançai également sous ma forme d'ours pour les éclabousser. Je devais leur paraître gamine à cet instant, mais je n'arrivai pas à faire autrement. Je voulais m'amuser avec elles, et je le fis. Puis je remarquai, comme ma fille, les nombreuses cicatrices qui couvraient le corps de Zénia. Nous l'amenâmes à parler un peu d'elle et elle raconta ses déboires avec notre peuple, la raison pour laquelle elle avait subi le pire châtiment qui se puisse chez les Kaldoreis : le banissement intérieur. Ma fille semblait épuisée et elle alla se reposer. Je restai avec Zénia, dans le bassin, à parler avec elle. Elle me posa des questions sur le passé, sur notre culture. Je ne sus parfois quoi lui répondre. En revanche, je pouvais lire en elle, la comprendre un peu plus, comprendre ses préoccupations. J'appréciais cette jeune elfe. Les pauvres conseils que j'ai pu lui donner semblait lui donner le courage d'affronter ses problèmes, mais surtout, je compris qu'elle aimait Nausicaâ et qu'elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour la protéger et la rendre heureuse, et cela est ce qui m'importait le plus. Nous étions proches parce que nous sommes Elfes toutes les deux, parce que nous vivions loin des nôtres. J'aimerai la cerner encore plus ou l'aider si je le peux. Je sais que Nausicaâ à tellement de compassion qu'elle le fera et compte tenu de la situation, je n'aurai d'autre choix que de m'en mêler. Lorsque Nausicaâ s'éveilla je proposais de partir vers Auberdine et voir si nous pouvions nous rendre utile là-bas. Je pressentai que ma fille avait besoin d'un peu d'action, besoin de se sentir utile et de sortir un peu de ce refuge, qui, tout agréable qu'il soit, n'en était pas moins une prison. J'eus l'occasion de veiller sur elles deux ce soir là, et cela me fit du bien aussi. Ne plus rien faire, ne pas permettre à ma fille d'affronter un peu la vie, la souffrance et la douleur, eut été une erreur. Même si mon coeur frémit de la savoir loin de moi dans un environnement hostile, je ne peux pas me résoudre à la couver sans arrêt. Inconsciemment, je pense qu'elle accepte cela, comme elle comprend la nécessité de se cacher aussi. En cela, elle est plus sage et raisonnable que certaines autres personnes plus âgées. Comme je l'aime. Comme je l'aime.
Lettre à ma FilleLa druidesse Duvnarel se penche sur le doux parchemin. Elle s'applique à graver les mots de la plume avec soin sur le support. Son coeur bat la chamade et des images joyeuses arpentent son esprit distrait. Elle écrit : Ma chérie, Il est parfois des paroles et des gestes qui ne suffisent pas à exprimer tout ce que l'on ressent. Depuis quelques mois déjà, je m'efforce de laisser mes émotions sur le papier. Tout ce que j'ai sur le coeur y transparaît. Ce ne sont pas des pensées que je livre aisément. Arowän, mon amour, a pu lire certaines des miennes et je dois dire que lorsque je l'ai appris, j'ai eu la nette sensation que l'on avait violé mon être intime. Mais je ne peux pas en vouloir à Arowän d'avoir lu ces pensées. C'est ce qui lui a permis de me sauver et de nous retrouver. Depuis que nous nous sommes rencontré, j'écris au sujet de ce que je ressens. Tu sais déjà tout de ma vie ou presque, mais il y a des choses que tu dois savoir sur moi, au-delà des apparences, au-delà de mes attitudes, et c'est là toute la profondeur de ma personne que je te livre. Ce n'est pas un fardeau de plus, ce n'est que moi, sans façons, sans manières, sans masque. Telle que je suis. Je ne suis pas poète et je serai bien incapable d'exprimer les choses dans une jolie forme. Aussi me contenterai-je d'une simple forme. Nausicaâ, mon enfant. Comme ces mots sont doux à mes
oreilles. C'est un miel qui se répand sur mon coeur et le recouvre,
à la fois le réchauffant, ou que je sois, quoi que je fasse,
et diffusant son goût sucré sur mes papilles émotionnelles. Si un jour le silence t'entoure, rappelle-toi ces mots. Si un jour la haine te fait sienne, rappelle-toi mon amour. Si un jour tu souffres, appelle-moi, ma pensée toujours te trouvera et mon corps sera ton réconfort, mes mots le doux miel apaisant, mes mains de douces caresses tendres. Tout cela pour toi. Tout cela parce que je t'aime. Duvnarel, ta maman.
ColèreJe craignais ce terrible moment. J'imaginais mille et une manières de l'éviter, mais dans je savais, en mon for intérieur, que je ne saurai pas y couper. Depuis que je la connais, et même depuis bien avant cela, ma fille est menacée. Elle porte avec elle un fardeau insensé. J'avais cru, un temps emporter avec moi un abime de responsabilité, envers mon peuple, envers l'histoire, envers le monde... Mais je me trompais. Ce qui est arrivé pendant le grand sommeil, je ne pouvais l'empêcher. Ce qui est arrivé avant le Grand Sommeil, pour autant que je m'en souvienne, j'ai fais tout ce que j'ai pu pour que cela n'arrive pas. Du moins, n'en suis-je pas encore complètement convaincue. N'ai-je pas été une Bien-Née ? Même si je n'ai pas contribué à l'arrivée de la Légion Ardente, je sais que je suis coupable, indirectement, de la venue de celle-ci. C'est l'évènement initial, le point de départ de toutes les souffrances du monde : l'aveuglement de ceux qui furent, à une époque, des Kaldoreis, et qui dans leur orgueil et leur soif de pouvoir, ont provoqué l'irréparable. Aujourd'hui encore, la vue d'un démon me rappelle à ces souvenirs. Ils sont encore chez nous, et sont une plaie à jamais ouverte sur nos coeurs. Sur le mien plus que tout autre, car ma fille, ma bien aimée Nausicaâ est une de ces victimes de l'ancien temps... Une victime des Bien-Nés. Et il a fallu que ces fous me rappelle à ces blessures morales. Ils ne savent rien de ce qui s'est passé, et osent croire que la Reine 1000 fois damnée peut être pardonnée. C'est une insulte. Et ma fille était présente lorsque j'ai subi cet affront. Elle a vu ma légitime colère, ma fureur devant ces ignobles diffamateurs. Aucun pardon ne sera prononcé. Pourquoi s'intéresent-ils à ma fille ? Ils lui ont fait peur. Même si l'une d'elle fut assez bonne pour soigner mon chaton, leur attitude hautaine a été des plus menaçantes. Il s'en est fallu de peu que je ne plante mes griffes dans leurs chairs impies. J'ai appris aussi ce que l'on raconte à Darnassus. Fandral Staghelm, un nom sur lequel je crache et qui ne devrait même pas figurer dans mes écrits, représente à présent un danger pour ma fille. Moi qui voulait me détacher de cela, faire de Fandral le problème de la jeune génération des druides, le voici à nouveau sur ma route à s'intéresser un peu trop à Nausicaâ. Et puis il y a eu l'attitude de Tyranael. Je ne la connais que très peu, et je regrette à présent qu'elle ait été mandatée chez les Archivistes pour accomplir les recherches que j'ai demandé. J'ai rejeté son aide, et probablement insulté Arowän mon amour en le faisant, mais je ne peux permettre que l'on se comporte ainsi envers ma fille. Et enfin, il y a la nouvelle qui m'a été annoncée par Ezequiel. Il a vu et entendu l'agitation qui règne à l'est. Une elfe, Eowyn, cherche mon enfant, et affiche le désir manifeste et évident de la tuer et d'éliminer tout ceux qui l'aiderai. C'est une menace de trop qui pèse sur Nausicaâ. Et une menace à mon encontre aussi. Nul ne me menace sans en payer le prix. Elle se croit chasseresse, mais elle va devenir la proie. J'en ai assez de fuir, de détourner les recherches, de tricher et de mentir. Je vais maintenant aller au devant du danger. J'éliminerai une à une toutes les menaces qui pèsent sur ma fille, à commencer par cette chasseresse, et à finir par cette épée maudite. Mais je dois la mettre à l'abri. Et les possibilités se restreignent... Je me sens si seule. J'ai l'impression que le monde se soulève et pourchasse mon enfant. Elle est seulement coupable d'être née, et elle porte en elle, si jeune, les stigmates de souffrances que d'autres êtres n'ont même jamais connu dans toute une vie. Pourquoi le destin s'acharnerait-il ainsi sur elle ? La colère gronde en moi, et Nausicaâ le sent. Elle a peur de ce qu'elle pourrait provoquer autour d'elle. Elle ne doit pas avoir peur que des êtres soit capables de se sacrifier pour elle. Elle est trop jeune. Trop jeune. Zénia a accepté ma proposition, mais nous ne sommes pas encore parti sur l'île de Sardor, et à vrai dire, j'hésite. A y bien réfléchir, Zénia m'est aussi chère que mon chaton. Il n'y a pas de raison qu'elle mette sa vie en danger alors qu'il existe un autre moyen... Oui. Un autre moyen. Un moyen qui mettra Nausicaâ et Zénia à l'abri pour longtemps et qui me laissera tout le loisir de régler les problèmes, les uns après les autres. Si je dois affronter le monde pour qu'elles vivent et soient heureuses, alors le monde paiera le prix fort ! |