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Chroniques de l'Epée d'IsharaI, Menaces.Ioan Shiredwin entra dans le bureau de son frère aîné, se baissant pour passer la porte. Si Jarod était l’aîné, Ioan
le dépassait largement de taille et de puissance physique. Ses
pas lourds résonnaient sur le parquet, tandis qu’il se planta
devant le bureau encombré de livres et de vélins de son
aîné. L’aîné posa sa plume dans l’encrier,
et alluma quelques cierges de plus, sans se départir d’un
calme remarquable. Le géant fit une moue, colérique. Une moue
qui dans ce cadre eu pu presque ressembler à une frustration d’adolescent,
s’il n’avait pas eu près de trente ans, et une carrure
de colosse inspirant la crainte. Le géant recula un moment, avant de pousser d’une
voix en colère : Ioan allait répondre quand il entendit un souffle derrière lui. Une masse projetait des ombres dans le petit cabinet, et il se retourna, sur une vision glaçante, même s’il y était habitué. « Il » était là. Il avait adapté
sa taille à la taille de la pièce, mais cela ne changeait
rien à ce qu’il émanait de force et de monstruosité.
Et il regardait le guerrier, menaçant, attendant un ordre… (Il y a un trou important ici entre ce texte, qui suit la naissance du personnage, et ce qui va suivre. Les textes en question ont été perdus avec le forum qui est hébergeaient. l'histoire ce ce gouffre sera revelée au fur à mesure.)
II, L'aube de TeldrassilLes instruments s’étalaient sur le sol autour de son corps meurtri. Elle pleurait, vaincue depuis longtemps, et il riait de satisfaction. Il lâcha la badine ensanglantée, et alla se servir un verre. Voilà comment il l’aimait. Soumise, corps et âme vaincu, inerte… La suite lui arracha un sourire de plaisir, et, vidant son verre, il se tourna de nouveau vers elle… Elle se réveilla en réprimant un hurlement, et chercha sa compagne dans la grande couche. Mais sa compagne n’était plus. Elle ne viendrait jamais la prendre dans ses bras quand les cauchemars prenaient un malin plaisir à la hanter de nouveau. Nausicaâ attrapa la fiole au bord du lit, et la but avidement. La drogue était la seule chose qui évacuait la douleur, et les cauchemars. Elle en avait une énorme réserve. Une chose de plus inexpliquée. Elle avait été retrouvée, à demi inconsciente, le corps couvert de peaux, sur les plages de sable qui lèchent les racines de Teldrassil. Les Elfes avaient reconnus son pendentif, un sceau des Rêveurs, qu’ils offraient aux êtres que les druides désirent protéger. Ainsi, ils n’avaient pas posé de questions, et l’avaient soignée plusieurs semaines. Les drogues, au final, étaient tout ce qui arrêtait la douleur constante qui la minait, et qui faisait venir les terreurs des cauchemars derrières ses yeux clos. L’aube allait se lever, et Darnassus vibrait de sa vie foisonnante, citée accueillant des milliers d’espèces animales en harmonie avec la cité. Le plus beau et doux lieu de la création. Mais sans sa chère Sentinelle, ce lieu avait un goût amer. Elle était morte. Entre-temps, tout les autres avaient péris ou disparu. Assassinés pour la plupart, avaient fuis ceux qui s’attendaient à cette fin probable. Pendant ce temps, Nausicaâ était ailleurs… Elle le savait, mais impossible de dire ce qui s’était passé. Un visage énorme et monstrueux se penche au dessus du petit corps gisant dans son sang et ses viscères. Le troll est étonné. Cette humaine est vivante, encore. Il regarde plus loin, le corps du dragon à terre, une épée lui a traversé le crâne. Dans sa gueule, les restes broyés de l’être qui s’est sacrifié pour l’achever. Le troll reconnaît une elfe, une sentinelle. Il regarde la forme agonisante. Elle respire encore, après tout, c’est que les esprits lui ont donné une chance. Le troll se baisse, et prend le corps doucement, ramassant les viscères. Soigner pour soigner, si elle est vivante, elle mérite qu’il essaye… … Le bain froid avait réussi a calmer la tension, et les douleurs. Nausicaâ se demanda si jamais elle pourrait espérer passer une nuit normale, désormais. Son corps portait désormais, en plus des marques des coups de badine et de fouet qui avaient laçeré et labouré son dos, la marque d’une déchirure qui avait ouvert le flanc, et qu’on avait recousu sans ménagement. La cicatrice se dissipait un peu sous les talents des soins elfiques, mais elle restait laide et large. Elle soupira. D’un autre coté, elle n’avait jamais eu envie d’exposer son corps, et encore moins après ce que son mari lui avait fait vivre sept semaines durant. Elle allait prendre ses affaires, aujourd’hui, et reprendre la route. Il lui fallait retrouver les survivants. Elle pensa à Kerla, et Magdaléna. Elles ne faisaient pas partie de ceux qu’elle savait morts, et elle les savait trop malines pour s’être faites avoir. L’idée lui tira un sourire. Ce serait une immense joie de les revoir. Et de leur montrer l’épée… Son mari devait sans doutes la croire morte, il y avait moins de danger à marcher dans les rues, elle éviterait de réveler son nom. L’épée était toujours enrubannée dans un drap, et elle le resterait. Mais c’etait son seul lien avec son passé… … Elle se rappela de ce que sa chère Sentinelle lui avait dit, pour justifier son plaisir à la renifler, avec son habituel merveilleux sourire : « Je n’y peux rien, tu sens bon… tu sens l’elfe, petite humaine, tu sens l’elfe… ». Le secret était dans l’histoire de cette épée, qui suivait son histoire. Qui reconnaîtrai l’épée la reconnaîtrai, elle… C’était une belle raison de reprendre la route…
III, PoursuivantsIl sirotait sa mauvaise bière sans trop se méfier.Pas que le lieu fut rassurant, mais il avait déjà tué trois hommes ici, et tout le monde le savait. L’auberge le connaissait bien, et d’une certaine manière, elle lui appartenait. En tout cas, il y avait longtemps qu’il n’avait plus payé une bière ou un tord-boyau au patron. L’homme en face de lui semblait lui-même fort calme, mais il n’était pas capable de dissimuler son mal-être ici. Il n’avait rien à faire dans cet endroit, pas en tant que client, parlant à l’un des pires représentants de la lie des bas-fonds d’Ironforge. Le gnome souria. Pas un sourire de bonté ou de joie. Juste de satisfaction mauvaise. La situation était piquante, et il en tirerait avantage. D’une manière ou d’une autre. Cet officier des gardes de Stormwind avait l’air malin, mais il l’était lui-même. Il y aurait bien plus de coups à tirer de ça que quelques dizaines de pièces d’argent. Mais c’est une pièce d’or, sous la paume du chevalier qui glissa jusqu’à lui. Le gnome alla prononcer un juron, mais ne put sortir un son de sa bouche. « Vous dites que vous avez bel et bien vu une femme ressemblant à celle que je recherche, portant à son sac une grande épée enveloppée de linges ? Où était-elle ?! » Le gnome vissa ses yeux sur la pièce presque entièrement cachée par la solide paume qui la tenait. Tudieu, il y avait ici une grande affaire, une très grande affaire à tenir ! Son esprit habitué aux brumes de l’alcool travailla vite et bien, et il su quoi répondre. « Ouai, j’l’ai vu, grand gars, elle était marchant ‘vec une elfe qu’avait tout l’air d’une gu’rrière. Elle avaitr les yeux rouges comme tu l’dis et qu’tu l’raconte de par ici, et elle avait bien l’air d’une satanée bourgeoise ! Elle était à Ironforge, elle est passé vite, et c’te guerrière la couvait comme qui dirait un fauve ! Et ch’rais pas étonnée qu’elle ai été voir du coté de Stormwind. Moi, même avec son manteau sur la tête que j’t’l’ai r’connu… On peut pas la louper, ça ouais ! » Les yeux du chevalier se mirent à brûler, sans affecter l’aspect serein et impassible de son visage. Il murmura :« Une pièce d’or pour
ça… dix si tu me la trouve et me la ramène, vingt
si elle est intacte, et avec l’épée qu’elle
porte avec elle… Compris ?... je la veux AVEC l’épée
! » Le chevalier se leva, tandis que la pièce d’or disparaissait dans les poches du gnome. « Vous savez comment me joindre… » Le gnome regarda l’homme s’éloigner. Vingt pièces d’or ?... Si elle était si précieuse, il pourrait en demander une rançon de quarante ! Il se frotta les mains. Il ne restait plus qu’à trouver des complices, et aller à la recherche de la fille. Le chevalier soupira. Jouer ce rôle lui était haïssable, mais ainsi avaient été ses ordres donnés par Ioan Shiredwin, son officier et maître. Il lui fallait encore en rencontrer d’autres, faire courir le bruit de cette recherche. Son Maître attendait beaucoup de ces rumeurs, et des gens qui seraient prêts à tout pour vingt pièces d’or, ou plus… Il secoua la tête… Tout ça pour une femme fuyant le domicile conjugal. Mais les ordres étaient ainsi, et il avait fierté à obéir.
IV- Le sang pour dette...Nausicaâ dormait paisiblement, emmitouflée
dans les draps, le ventre sous un épais bandage qui formait un
corset protecteur. Elle soupira longuement. Nausicaâ dut entendre,
et gémit doucement, se serrant contre l’elve qui l’attira
un peu plus à elle. … Tout avait commencé après qu’elle
ai vue la cicatrice qui barrait le flanc de la jeune humaine. Nausicaâ
en souffrait. Elle buvait une sorte de drogue, retrouvé avec elle
quand elle avait échoué sur les plages des racines de Teldrassil,
mais cela la soulageait de moins en moins. Zénia n’avait pas eu de mal à convaincre Nausicaâ de trouver un médecin. Il y avait simplement eu à attendre une autre crise, qui avait fini par l’aliter. Zénia avait pu alors toucher et examiner la cicatrice. Une énorme déchirure de tout le flanc, une éventration. Recousue comme on l’aurait fait d’une outre de peau, avec du fil grossier et une énorme aiguille. D’une certaine manière, celui qui avait fait ça devait être un très bon herboriste, peut-être un alchimiste. Car sa patiente serait morte autrement d’un tel traitement. Zénia avait frissoné. Sous la peau, sous la cicatrice, les organes devaient eux aussi être en piteux état. Nausicaâ lui avait dit qu’elle avait été happée par un dragon. Son dernier souvenir avant son réveil au pied de Teldrassil. La blessure avait donc du être tout à fait critique, et elle avait été soignée par quelqu’un qui s’y était pris d’une manière tout à fait barbare. Il fallait trouver de vrais praticiens. Il existait quelque part un ordre de médecins connus, les Hospitaliers. Nausicaâ en avait entendu parler bien avant sa fuite de Stormwind, et savait qu’ils seraient compétents. Le seul souci était de les trouver. Stormwind était grande, et elle n’en connaissait rien ou presque. Pas plus que Zénia. Il faudrait chercher, et Nausicaâ craignait d’être vue ou reconnue par quelque personne dans la ville. Zénia la rassura, et l’aida à faire
le voyage depuis leur auberge du Lakeshire. Nausicaâ semblait de
nouveau vaillante et souriante, et riait, ne cachant pas sa tendresse
envers Zénia. Elle revint vers sa jeune humaine fatiguée et
fourbue. Nausicaâ l’attendait, une capuche dissimulant ses
traits. Elle parvint à trouver les mots pour calmer Zénia,
grondante de colère, et les deux femmes passèrent un long
moment dans un coin d’auberge, tandis que Zénia reprenait
son souffle. Zénia et Nausicaâ décidèrent
de tenter leur chance dans Ironforge. Zénia ne connaissait la ville
que de nom, et n’avait même jamais mis les pieds dans le métro
qui reliait la cité naine à Stormwind. Nausicaâ la
rassurait tendrement, mais la guerrière était nerveuse.
L’idée de foncer à toute vitesse dans une machine
diabolique profondément sous terre choquait tout ses sens et sa
philosophie d’elfe, et elle serrait nerveusement la main de son
amie. Commença alors une longue suite de questions,
de demande, toujours la même chose. Nausicaâ demandait si
quelqu’un connaissait les Hospitaliers, et les gens ne répondait
pas, ou par de vagues « non » et autres grognements, trop
occupés à leurs affaires. Les deux femmes recommençaient
plus loin, essayant d’attirer l’attention des groupes occupés,
mais en vain. Leurs pas finirent par les mener dans le hall des enchères. Zénia s’inquiétait, sa jeune compagne semblait de plus en plus lasse et fatiguée, et grimaçait régulièrement, cachant sa douleur comme elle pouvait. Mais Zénia n’était pas dupe, et même si elle ne préférait rien dire, elle ne quittait plus Nausicaâ des yeux. Nausicaâ reprit ses demandes, allant de groupe
en groupe, mais personne ne répondait, jusqu’à être
femme à une très belle humaine, richement vêtue, à
l’allure noble, assurée, et fière. Elle répondit
qu’elle connaissait de nom ces Hospitaliers, et regarda Nausicaâ
avec intérêt et un peu d’inquiétude. La jeune
fille était de toute évidence malade, pâle, les yeux
fiévreux. Zénia héla l’elve, tandis que Liira
observait, surprise, mais d’un calme olympien. L’elve se présenta
comme Teiana, médecin de l’ordre du Red Cross. Elle travaillait
dans l’hospitalet de Stormwind, et avait apprit que quelqu’un
cherchait partout un médecin. Elle semblait inquiète, presque
affolée, et pressa Nausicaâ de questions. La jeune humaine
répondit que ce n’était pas urgent, qu’elle
allait bien, qu’il s’agissait juste de jeter un œil sur
une vieille blessure. Zénia n’arrivait plus à suivre le cours des événements. Des gens arrivaient, visiblement d’ordres de médecins, et semblaient avoir été mis au courant. La noble Liira alla chercher son cheval et tandis que reste du groupe se dispersait pour semer leur poursuivant, prenait Nausicaâ en croupe. Elle la guida jusqu’à un manoir où elle l’installa dans une chambre avant de repartir. Zénia était nerveuse. L’elfe avait
fini par les lâcher, mais l’histoire était compliquée,
et cela attirait déjà des curiosités, même
alors que la nuit s’avançait. Elle soupira d’aise quand
elle pu retrouver Nausicaâ, assise sur un lit, dans le manoir de
la Dame Liira, décidément clairement noble, même si
elle ne s’était pas plus présenté. Teiana, dans la chambre du manoir, fit sortir tout le monde, pour ausculter la jeune malade. Zénia protesta, et refusa, jusqu’à ce que Nausicaâ, essayant d’être rassurante, ce qui paraissait difficile vu la peur lisible sur son visage, puisse la convaincre de veiller à la porte. Pendant ce temps Liira se retrouvait réduite à jeter hors de chez elle un membre de la garde de Stormwind qui les avait suivi et avait forcé l’entrée, dans le but d’en apprendre plus et de demander des comptes sur ce qui se passait ici. Même si c’était louable, Zénia se mit en colère, et Liira finit par chasser le garde trop curieux. Nausicaâ était bien assez affolée, et Zénia n’avait pas envie en plus de lui imposer une présence masculine dans un tel état. Elle avait depuis longtemps compris que sa chère humaine avait peur des hommes, et serra les dents de colère en se remémorant comment elle l’avait découvert, et pourquoi. Teiana fit déshabiller la jeune humaine, et frémit en voyant tout d’abord son dos, labouré de cicatrices. Des traits longs, droits, enchevêtrés. Des coups de fouet. C’était évident. Mais le pire était la cicatrice au flanc. Teiana la toucha, nettoya la peau et palpa la plaie, l’air de plus en plus inquiète. Elle avait une idée de l’état de la blessure, et des dégâts internes, et réalisa qu’elle n’avait pas d’autre choix que d’opérer cette jeune femme pour intervenir, sans quoi elle finirait par déceder. Zénia était inquiète, Elle commença à l’être de plus en plus quand Teiana demanda à sa collègue venue les accompagner un brancard et des porteurs, disant qu’il fallait l’emmener d’urgence dans l’Hôpital de Stormwind. Zénia demanda ce qui se passait, mais le médecin elfe ne lui répondit pas, occupée à prendre en charge Nausicaâ. La jeune humaine demanda elle-même, mais n’eut pas non plus de réponses. Teiana s’activait, Liira regardait ce qui se passait,
avec l’assistante du médecin, Zénia rassurait Nausicaâ
et essayait de se rassurer elle-même, et c’est sur un brancard,
en protestant encore qu’elle pouvait marcher, que l’adolescente
fut emmenée dans les bâtiments de l’Ordre des Hospitaliers.
Il y régnait une grande activité. Zénia ne vit pas
grand-chose, l’attention tournée vers sa chère humaine,
mais la chef de l’Ordre, Gwendolline, était là, couvertes
de bandages sur des blessures diverses. Teiana fit déshabiller complètement Nausicaâ sur le lit tendu de draps blanc où elle l’avait allongée. Avec beaucoup de douceur, elle l’aida à retirer ses vêtements, puis ausculta encore la plaie, et demanda à la jeune fille d’où elle avait gagné une telle cicatrice. Nausicaâ n’avait que peu à en dire. Elle raconta juste que c’était les crocs d’un dragon, et qu’elle n’en savait pas plus. Que parfois, un visage hideux penché sur elle lui revenait, elle évoqua un troll, mais elle ignorait qui et comment elle avait été soignée. Teiana marmonna qu’il n’y avait bien qu’un troll pour faire ça, et commença à préparer tous les instruments en vue d’une opération. Puis elle se pencha sur la jeune humaine, lui murmura de ne pas avoir peur, et pressa un linge imbibé de drogue contre son nez. Nausicaâ sombra dans l’inconscience en quelques instants. Zénia observait cela en silence. Elle était
appuyée à la porte de la chambre, et ne quittait pas le
médecin et sa jeune compagne des yeux. Son cœur battait, mais
la guerrière était si concentrée qu’elle était
devenue impassible. Elle portait toujours ses armes, et n’avait
pas lâché une fois le sac de Nausicaâ, et l’épée
qui y était accrochée. Quelqu’un tapa à la porte. C’était un homme, que Teiana présenta comme un collègue, et son assistant pour l’opération. Au loin, Zénia entendait la voix de Liira, parlant avec Gwendolline et d’autres personnes présentes dans l’hôpital, mais elle n’y prêtait plus attention. Elle hésita à laisser entrer cet homme dans la chambre où sa compagne reposait, nue. Mais Nausicaâ ne s’en rendrait pas compte, et Teiana semblait catégorique. Zénia se réinstalla contre la porte, et observa. Les deux médecins commencèrent leur œuvre, et Zénia serra les dents quand le bistouri découpa lentement les chairs, détournant un instant le regard, avant de se reprendre. Elle voulait tout voir, assister à ça… et les tuer si jamais cela se passerait mal. Le sang coulait. L’assistant épongeait le
flot rouge, et les compresses s’accumulaient dans les bassines,
tandis que les draps devenaient pourpres. Teiana semblait se maîtriser
avec toute l’habilité d’une professionnelle complète,
mais elle ne retenait pas des réflexions et des commentaires partagés
par son assistant et qui n’auguraient rien de bon. Zénia
écoutait, livide, mais impassible. Ils disaient ce qu’elle
avait quelque peu deviné. Et un peu plus. Il manquait le rein de
ce coté, arraché par les crocs, et les intestins étaient
couverts de kystes dues aux hématomes et à des débris
jamais nettoyés. Elle ne pouvait sans doutes plus manger normalement,
et dépérissait, son corps luttant en permanence contre des
lésions vieilles de plusieurs mois. Quelque chose attira son attention. Tandis que l’opération
avançait, la lourde épée de Nausicaâ semblait
s’être mise à vibrer. Zénia ne l’avait
tout d’abord qu’à peine senti sans y prêter attention,
mais maintenant, la lame vibrait réellement. Elle posa le sac,
et saisit l’arme à travers ses linges, sans quitter Nausicaâ
des yeux. Teiana se débattait avec les hémorragies, son assistant semblait commencer à s’inquiéter réellement : « on va la perdre ». Nausicaâ saignait beaucoup trop, et Teiana travaillait à toute vitesse à nettoyer les plaies, retirer les kystes, et les cautériser. Et tandis que la vie semblait quitter le corps de la petite humaine, l’épée semblait se mettre maintenant à chanter, un son ténu, sifflant, cristallin, et que Zénia trouva lugubre. Elle serra la lame entourée de chiffons comme pour la faire taire, et en sentit les vibrations qui semblait la rendre tout à fait vivante. Teiana était épuisée, son assistant
essayait de garder tout son calme, et l’hémorragie semblait
se calmer. Mais le médecin savait qu’elle devait refermer
au plus vite la blessure, même sans avoir pu achever son travail,
à moins de vouloir finir avec un cadavre devant elle. Le temps passa interminablement, dans une angoisse mortelle, avant que Teiana ne rouvre la porte de la chambre. Nausicaâ était allongée, le visage couvert de draps propres, le lit refait, le ventre couvert d’un grand bandage. Elle commençait doucement à revenir à elle, tandis que Teiana et son assistant discutaient des conséquences de l’opération. Zénia jeta l’homme dehors alors que sa chère humaine se réveillait. Il n’était pas question qu’elle voit un homme près d’elle dans une telle situation, et Teiana laissa faire, même si elle protesta. Elle vérifia que la jeune humaine réagisse à ses paroles, puis quitta la pièce, laissant Zénia veiller sur elle. … Zénia soupira encore… son regard se porta
vers le sac, dans un coin de la pièce, et cette épée
qui avait chanté en même temps que coulait le sang de son
amie. Elle se demanda bien dans quelle histoire elle s’était
embarquée. La petite humaine dans ses bras avait plus de secrets
qu’elle n’en avait avoué, ou qu’elle en savait
elle-même. … Non loin de là, un homme glissa un papier sous
une porte richement ouvragée du Quartier des Mages et disparut
dans la nuit. Une lueur s’alluma un peu plus tard derrière
la porte, et une main soignée ramassa le mot, et le lut tranquillement.
V, Jour de neigesLa forêt enneigée laissait passer le couple qui traversait en courant ses sous-bois, dans l’écho de leurs pas et de leur panique. Seul leur répondait ce silence opaque et sourd que l’hiver et le froid font tomber sur le monde. L’homme tenait la femme par la main, tandis que l’autre était occupée par une lame ensanglantée. Il était humain, sans aucun doute, un remarquable spécimen de son espèce, noble et batî comme un colosse aux formes helléniques. La femme qui le suivait aurait été sans hésitations une haute-elfe, un être au port noble et fier, si la flamme de ses yeux, la couleur de sa peau, et sa stature ne trahissait pas une métis dont le sang était marqué par les kaldorei. Elle était aussi affolée que son compagnon, tenant contre elle un étrange colis, un couffin, et une épée immense et incroyablement ouvragée dans son fourreau. Ils fuyaient dans la neige, faisant tomber des pans de la masse blanche tandis qu’ils secouaient les branches basses et les arbustes. Ils étaient couverts de boue, et de sang, la femme, si noble, si fière, était à cet instant marquée par la panique et la lassitude. Quoi qui les poursuivent, ils savaient déjà qu’ils n’y échapperaient pas.
« Itarillë, on ne peut pas les semer » L’homme s’était adressé à la femme dans la langue des elfes, aussi naturelle pour lui qu’elle devait l’être pour cette créature magnifique qu’il accompagnait. « Je le sais, mon amour. » La voix d’Itarillë était brisée par le constat affreux d’une évidence si simple. « Nous allons sauver Elenmírë, reprit-elle. Puis… enfin… nous savons ce qui nous attend, Ingwë. » L’homme acquiesça de la tête, en silence, et soutint sa femme, tandis qu’elle posait le couffin sur el sol, face à un grand chêne millénaire. Tandis que l’homme restait derrière elle, ses yeux allant des deux êtres les plus précieux à sa vie, aux buissons d’où surgirait leur destin, la femme dégaina l’immense épée ouvragé, dont la lame se mit à luire, bleue, lumineuse, comme chantant de joie, ou d’allégresse. Sans lâcher l’épée chantante, elle prit dans ses bras la petite fille âgée de quelques mois, et se redressa. Elle entonna alors une mélopée douce, et étrange, qui résonna dans la forêt, longuement : « Sur le sang des descendants du Cercle, sur l’amour des élus jamais séparés, je dédie au destin la dernière-née où coule le sang d’Ishara et Kerinos. Puisse la lame impie qui fut sacrée guider son âme, puisse son âme guider le fil de la lame, puisse le sang des descendants du Cercle garder intact son pouvoir et son amour, puisse la nouvelle descendante de notre lignée porter notre héritage. » Itarillë leva alors l’épée, et vint blesser son enfant au poignet du fil de la lame. Une larme de sang coula, que l’épée avala avidement, comme si le métal eut été assoiffé et poreux. La petite fille hurla, plus de peur et de contrariété que de souffrance, et Itarillë lâcha l’arme, serrant sa fille contre elle en pleurant de longs sanglots. Ingwë se pencha vers sa femme et sa fille et de ses bras les serra toutes les deux, des larmes dans les yeux. « Il faut faire vite, mon aimée, ils arrivent » Itarillë se redressa en hochant la tête. Elle posa le couffin, et l’épée avec lui, dans un creux du chêne, et, reculant prononça des mots doux et chantants, des choses anciennes qui donnèrent à l’arbre une vie qui lui fit cacher son précieux fardeau aux yeux de tous. Puis elle se retourna. Ingwë lui adressa un dernier regard, un « je t’aime » entre leurs pensées si intimes pendant les longues années de leur amour.
VI, MamanLa jeune fille ouvrit un instant les yeux. Près d’elle, un regard empli de tendresse, se tenait assise une elfe de la nuit millénaire. Les deux regards se croisèrent, celui de la fille, celui de la mère. Un instant d’éternité arraché au présent. Près du lit, un tabouret encombré d’un grand plateau. Du lait, du pain, un bol de confiture, du beurre, des fruits. Et le sourire de la kaldorei en réponse à la surprise de la jeune fille. Le premier déjeuner offert à une fille par sa mère. Elle se nommait Duvnarel, elle regardait se réveiller une jeune humaine au sang des Quel’Dorei, et son nom était devenu pour elle symbole d’une raison de vivre. Nausicaâ. La jeune fille ferma les yeux un instant ; le réflexe qui consiste
à essayer de vérifier si elle dormait encore ou si elle
était éveillé. Si le présent est bien un réel,
ou un affreux tour de ses vœux et de ses rêves venus la hanter.
Elle rouvrit les yeux. Elle avait croisé Duvnarel par hasard. Malgré sa peur,
elle se rendait régulièrement à la cathédrale
de la Lumière de Stormwind. Elle ignorait si elle avait jamais
eu l’idée de mettre sa foi en question, mais près
de dix ans de sa vie au sein d’une abbaye, éduquée
à être prêtresse, avait éteint en elle toute
idée de questionnement ou de révolte. Marcher dans Stormwind était dangereux. Elle ne le faisait qu’à l’aube, ou après le crépuscule, aux heures où les braves gens dînent et où les seigneurs et les voyageurs vident des choppes. Mais elle se sentait obligée de venir voir prier dans la cathédrale, et se confesser, sans jamais donner son identité. Qu’un prêtre eut désiré parler un peu de ces visites rares mais régulières, et son mari aurait pu la cueillir comme une fleur. Mais elle n’en avait sans doutes pas complètement conscience. L’obéissance peut être un réflexe plus fortement ancré que l’instinct de survie, et la méfiance. Surtout quand on a juste seize ans. Elle sortait d’une chapelle, quand elle la vit. On remarque sans
coup férir une elfe de la nuit dans une cathédrale de la
Lumière où seuls les humains, et à la rigueur les
nains, viennent prier. Celle-ci était grande, plus déjà
que les membres de sa race, déjà si imposants, et il y avait
encore plus de noblesse et de fierté dans son allure qu’il
était possible en voyant une kaldorei visiblement perdue. L’elfe se tenait donc devant elle, et demanda d’une voix
riche, puissante, et trahissant un âge que son visage n’exprimait
que par le regard, où se trouvaient des spécialistes de
la médecine. Nausicaâ guida la kaldorei jusqu’aux locaux
de la maîtresse de médecine de la cathédrale, et laissa
l’elfe à ses affaires. Elle était devenue nerveuse.
L’elfe l’avait dévisagé, et face à elle,
sa capuche ne cachait pas son visage, et surtout, avait regardé
ses yeux. Elle avait alors commencé à poser des questions
inquisitrices, demandant les origines de l’adolescente, humant l’air,
comme pour s’assurer que ses doutes étaient fondés. L’elfe réapparut, juste derrière elle. Nausicaâ
l’écouta. La kaldorei avait deviné bien des choses,
et proposa à la jeune adolescente qu’elle lui explique tout. Ironforge. L’elfe avait des moyens, et elle prit contact, sans quitter sa
place dans cette auberge enfumée, avec l’une des membres
des Archivistes, pour tenter d’en savoir plus sur ce nom et cette
épée. Duvnarel avait dit qu’elle ferait au mieux pour aider Nausicaâ.
Elle revint quelques jours plus tard, au lakeshire. Mais quelque chose devait la retenir… quelque chose pareil à ce qui donnait à Nausicaâ tellement confiance en cette druidesse qu’elle désirait toujours revoir. Elle était restait à Lakeshire, avec son énorme tigre de monte. Et la vieille druidesse à l’age impossible à estimer accepta d’aider les deux adolescentes. Nausicaâ ne put retenir ses sourires, et sa joie… ET Duvnarel ne les quitta plus, pendant des jours. Les Carmines, Dun Morogh, et les Paluns. Duvnarel accompagna et guida partout les deux jeunes amantes, ne les quittant plus. Elle semblait vouloir les protéger, les connaître, les aimer, et Nausicaâ irradiait de son bonheur d’adolescente aux sentiments si exacerbés, à sa compagnie. Même Zénia, si méfiante, si silencieuse, devenait plus sereine et souriante. Duvnarel présenta aux deux jeunes filles Tyranael, une autre elfe,
Archiviste, qui nota consciencieusement tout le récit de la courte
de vie de Nausicaâ, mais aussi le nom de Taleyran, d’Ishara
et de Thel’Darsyl. Elle promit de rechercher une réponse,
et repartit. La jeune adolescente avait un passe-temps, hérité de sa famille adoptive, la couture. Elle voyagea donc jusqu’à Ironforge, pour y trouver matières premières, et, cherchant de la soie, prit rendez-vous avec une fournisseuse de soie d’araignée. Mais elle devait retourner à la banque de Stormwind. Un peu trop sûr d’elle, elle osa retourner dans la ville qui lui était si hostile, et attendit sa cliente, une étrange elfe qui, elle le sut de suite, ne fut pas dupe de l’apparence de la demi-elfe, et sentit de suite ce que cachait cette jeune fille. Elle lui fit don, plutôt réellement que lui vendre d’une quantité énorme de cette soie rare, et parti, visiblement satisfaite, laissant Nausicaâ étonnée, un paquet énorme représentant plusieurs pièces d’or dans les mains. Elle avait payé tout cela une seule pièce d’argent. Passé l’étonnement de ce cadeau, elle décida d’aller offrir à l’hôpital de Stormwind la pièce d’or qu’elle s’était préparée à payer. Elle put revoir Teiana, et la remercier, sans rien lui révéler
de détails. L’elfe n’en demanda pas, heureuse de voir
sa patiente remise. L’étrange fournisseuse de Nausicaâ
était là, elle-même, visiblement occupée avec
une des patientes des lieux, et Nausicaa n’en demanda pas davantage,
s’en retournant vers les griffons pour rejoindre sa chère
Zénia. C’est ainsi que Nausicaâ apprit à connaître
Teiana, le médecin des Red Cross, femme au dévouement exemplaire
aux malheureux et aux blessés de Stormwind. Devant un verre, à
l’abri de soir dans l’auberge de Darkshire, elles apprirent
à se connaître. Zénia n’était toujours
pas rentrée, et Nausicaâ raconta une fois de plus sa vie,
et écouta celle de Teiana. Des vies aussi tristes que belles. Teiana avait vu la peine et la peur de la jeune fille à l’idée
de voir si loin d’elle son lien à ses origines. Mais ce qui
terassa Nausicaâ dépassait la peine, ou la tristesse. Nausicaâ
elle-même ne comprit pas, c’était comme si on lui imposait
tout le fardeau du monde, comme si vivre même était une tristesse
infinie, un poids trop lourd destiné uniquement à l’écraser.
Elle s’effondra en sanglots, le corps secoué de tremblements
et de spasmes, un froid terrible s’insinuant dans ses veines. La druidesse posa devant Teiana une fiole remplie d’un liquide
lumineux. Teiana sut de suite ce que c’était : de l’eau
d’un Puit de Lune. Duvnarel esperait que, cette épée
étant de manière évidente magique, et liée
à la jeune adolescente, une autre source de magie la délivrerait
de la dépendance à cet objet. Nausicaâ ne put pas se souvenir de la durée du voyage, ou
de son contenu. Zénia prit soin de son amante dès son arrivée,
et le groupe marcha jusqu’aux Monts Stonetalon. Nausicaâ suivait,
tirée par Zénia, surveillée par Teiana, tandis que
Duvnarel était parti chercher l’épée si vitale
à la jeune fille. Nausicaâ ne sut pas la suite… On laissa l’épée
près d’elle, et elle resta alitée, dormant, Zénia
la serrant contre elle. Duvnarel partit… dire qu’elle s’enfuit
aurait été plus juste, après avoir expliqué
à Zénia ce qui était arrivé. La druidesse revint au soir. Quand elle arriva, Teiana démontait devant les yeux de Zénia et Nausicaâ les décorations de l’arme, révélant une épée parfaitement utilisable par une main elfe, une redoutable lame Bien-Née. Duvnarel frémit, reconnaissant les glyphes, reconnaissant aussi sans le dire qu’elle savait les lire, et reconnaissait parfaitement l’origine de cette épée. Elle proposa alors de détruire l’arme. Là encore, la décision la plus sage. Nausicaâ ne dit rien. A quoi bon. Le regard de Duvnarel montrait son amertume, sa détresse, elle était aussi déboussolée que la jeune fille, effrayée, épuisée et lasse devant une épreuve de plus, devant quelque chose contre lequel elle ne pouvait rien. Zénia protesta. Détruire l’arme, c’était tuer Nausicaâ. Duvnarel sortit en disant que ce n’était pas son problème. Nausicaâ écouta, mais les trois femmes s’éloignèrent, et, regardant cette épée, cette étrange compagne qui semblait capable de la faire souffrir, elle se rendormit. Quand elle se leva, un moment après, encore lasse, pour retrouver Zénia, elle vit les trois elfes parler, assises sur un banc. Duvnarel, de sa voix chaude et puissante, douce en ancienne, racontait quelque chose de long, en darnassien, et Teiana répondait dans la même langue, tandis que Zénia écoutait, sans rien dire. Nausicaâ s’approcha, timidement. L’impression de ne
pas être à sa place se faisait plus forte, avec l’usage
de cette langue qu’elle ne pourrait jamais apprendre. Elle chercha
le regard de Duvnarel. Les mots ne voulaient rien dire, mais la voix trahissait
la solitude, la lassitude, un appel au secours informulé. Nausicaâ
n’y pouvait rien, sauf dire « je suis là » et
elle n’avait que son regard pour ça. Nausicaâ essaya de s’excuser, pour tous les ennuis qu’elle avait crée, mais elle laissait son regard dans celui de l’elfe millénaire. Elle quitta les bras de Zénia, pour s’approcher de Duvnarel, et fit un geste en réponse à cette phrase prononcée par la druidesse… Elle lui tendit sa main. A cette seconde, Nausicaâ venait d’entendre tout ce qu’elle n’avait pu exprimer ou comprendre, ce qui avait refusé de naître à sa conscience. Duvnarel avait signifié un rêve inavoué pour elle, un rêve impossible à exprimer jusque là… Elle tendit la main, que Duvnarel prit doucement, prise par le doute, prise par la même évidence, et par la peur d’un instant devenu éternel et si fragile. Nausicaâ eut les larmes aux yeux, ce quelle voulait dire, elle ne le pouvait pas, juste et seulement sourire, dire à Duvnarel, du regard « je suis là » lui dire qu’elle attendait, elle, cette mère que Duvnarel voulait tant être pour une fille. La druidesse serra la petite adolescente de toutes ses forces, tandis que la jeune fille murmurait « vous… pouvez être ma mère ». Etait-ce jamais ce que Duvnarel aurait voulu entendre, mais elle versa des larmes sur l’adolescente, tandis que Nausicaâ pleurait. Un moment éternel, mais surtout le droit à jamais d’être fragile ou faible ou dépendante, le premier instant de tendresse maternelle qu’elle n’aurait jamais eu. Duvnarel ne la lâcha pas avant longtemps, mais le temps avait si peu d’importance, à ce moment, là. Zénia souriait, Teiana en pleura d’émotion. Nausicaâ avait du sang elfe, elle aurait pu être sa fille, elle pouvait l’être… Etre une fille… avoir une mère. Plus que celle qui l’avait simplement élevée petite fille, puis confiée à l’abbaye pour en faire une idéale fille à marier. Une mère qui dise et montre son amour… Une mère qui protège et apprend… Elle l’avait trouvé, et les perles des larmes de Duvnarel glissèrent sur ses cheveux d’argent.
Réponse à la lettre de Duvnarel(en réponse à la lettre publiée dans "Une Folie de Plus", écrit à quatre mains avec Zénia, que je remercie pour cet effort, et cet exercice ce style) Nausicaâ déplia la lettre qui avait voyagé depuis loin pour arriver jusqu’à sa cachette de la Combe de Nijel. Elle n’avait jamais fais attention à son odorat, jusqu’à ces derniers jours. Mais les leçons de Duvnarel, et l’aide de Zénia lui avaient fait comprendre qu’elle pouvait faire et ressentir certaines choses, communes aux elfes, mais qu’elle ignorait. Et avant qu’elle n’ouvre la lettre, elle réalisa qu’elle savait de qui elle venait. Elle n’aurait pas su dire comment, elle savait, c’est tout…
Nausicaâ pleurait, debout devant l’auberge, la lettre à la main, tête baissée, les larmes coulaient de ses joues pour nourrir le sol aride de Désolace. Elle resta ainsi longtemps… jusqu’à ce que Zénia ne vienne… La jeune elve prit alors doucement la lettre des mains de sa compagne, l’attira contre elle, et tandis qu’elle laissait la jeune demi-humaine pleurer dans ses bras, elle lisait l’aveu de Duvnarel. Tandis qu’elle parcourait la lettre, sa main tremblait, et elle serra un peu plus Nausicaâ contre elle. Son visage n’exprimait rien, et qui aurait pu lire ce que ses yeux disaient ? Peut-être de la joie, tandis qu’elle lisait, peut-être aussi de la mélancolie ou de la douleur pour ce qu’elle n’a jamais eu, et n’aurait jamais elle-même. Sa main qui tremblait trahissait juste ce qui torturait à cet instant ses souvenirs et son âme, et qu’elle ne dirait jamais. Alors, elle fit ce que lui permettait cette jeune fille qu’elle aimait plus que sa vie même : elle se délecta de son bonheur, et de ces larmes de joie qu’elle répondait contre son épaule. Elle laissa naître un sourire, tandis qu’elle repliait d’une seule main la lettre si précieuse, et la glissait dans celle de Nausicaâ. Puis elle saisit doucement son menton, et leva son visage en larmes vers elle, pour plonger son regard d’obsidienne dans le regard de rubis de la jeune prêtresse. Elle ne parla pas… Elle savait bien que Nausicaâ désormais pouvait entendre sans qu’il n’est besoin d’employer des mots. Elle laissa juste ses yeux dire ce qu’aucuns de ses mots ne pourraient exprimer. Et elle souria encore, en voyant ces yeux de pourpre et ce visage, noyé de larmes et d’étonnement, incapable de pouvoir exprimer tout le bonheur qu’il vivait. Il n’y eu pas besoin de mots, et Nausicaâ n’en employa aucuns… Elle se laissa juste enlacer contre Zénia, se serrant contre elle, respirant son parfum, l’esprit vaincu par une évidence merveilleuse et magique : celle d’être aimée.
La Maison FormepierreLa jeune femme entra doucement dans la grande pièce, éclairée uniquement par le foyer d’une cheminée colossale, qui dardait ses feux sur des meubles de bois et de cuir. Un salon complet, entouré d’une imposante bibliothèque, mais conservé dans la pénombre par les deux hommes qui y discutaient, autour d’une pipe fumante et de deux bières dorées. Un nain et un humain, que la jeune femme connaissait bien tout les deux. Ils se tournèrent à son arrivée. C’était une elfe. La plus belle elfe que leurs yeux avaient jamais eu l’occasion d’admirer. Le nain souria, et soupirant, cracha sa fumée en un long volute dans le salon. « Bonjour, chère lumière de toutes les aubes. » L’elfe souria. Oui, elle était radieuse, pareille à
une aube, et l’humain, son mari, ne pouvait s’empécher,
même après toutes ces années de l’admirer. Un
joyau parmi les hommes, aux cheveux d’or, les yeux couleur de rubis
flamboyants, la peau d’albâtre, elle avait dans ses sourires
et son regard une grâce qu’il était impossible d’imiter,
ou même d’approcher. Même les nains du château
de Formepierre avaient toutes les peines du monde à cacher leur
émoi devant cette grâce incarnée, et même leur
seigneur, Dagor, faisait de la poésie quand il la voyait. Il avait
coutume de dire que devant tant de beauté, même un troll
serait poète. « Bonjour ma chérie, comment vas-tu ? » L’elfe souria encore une fois, baissant les yeux vers le petit
fardeau qu’elle tenait dans ses bras. Le bébé n’avait
pas plus d’un mois, une petite chose fragile et émouvante,
qui à cet instant avait des yeux ouverts à essayer de deviner
le monde, son grand regard de pourpre posé sur l’humain,
son père, l’air étonnée et curieuse. Rien n’aurait
permit de deviner son sang elfe, si ce n’est ce regard si étrange,
mais dans les bras de sa mère, on ne pouvait nier leur ressemblance.
L’efle répondit, une voix chaude et suave, douce comme du
sucre, et amoureuse comme un poème. « Ce n’est rien, Itarillë. Mais Dagor a appris certains choses, et nous devons aller au plus vite à Stormwind, y trouver Uther Lightbringer. Le clan Formepierre a la preuve que des forces sombres gravitent autour du roi Magni, et surtout, il a entendu quelqu’un prononcer le nom d’Ishara. « Ils » nous ont retrouvés. » L’elfe blémit, serrant un peu plus sa fille contre elle. Derrière eux, toujours assis Dagor, le puissant nain Maître de la Maison Formepierre, avait perdu son sourire, et avala une grande lampée de bière, avant de reprendre, l’air grave. « On ne sait rien de tout ça, dame elfe, mais il y a des gens étranges, des forces étranges, autour du trône du Roi. Une certaine Séléné, surtout, dont on ne sait rien, mais dont je suis sûr qu’elle est un pion de Ner'zhul, ou pire encore. Nous devons aller au trône d’Ironforge puis rencontrer les autres membres du Vif-Argent. Mais nous avons besoin qu’on aille prévenir Uther lui-même. Je vous fournirai une escorte complète, des compagnons fiers et sûr, et même un mage. Mais il est trop risquer de rester ici avec l’Epée. Elle a commencé à appeler, de nouveau, n’est-ce pas ? » « Oui, répondit la jeune elfe, tandis que son mari restait silencieux, elle ressent et sait tout ce qui se passe au loin. Elle entend les Légions qui s’agitent, et veulent entrer dans notre monde, et ne pouvant les rejoindre, tente de les appeler, de se faire connaître. » L’elfe marqua un temps d’arrêt, observant le vieux
et fier nain qui tirait sur sa pipe. « Je préfèrerais ne pas l’entendre. Je sais qu’elle est liée à votre sang, et qu’elle sert aussi bien la cause du bien, que celle du Mal dont elle tient son pouvoir. Mais c’est un démon qui gémit dans son acier, et ce démon m’effraie. » « Mais nous ne pouvons pas ni la détruire, ni nous en défaire. » L’humain resté jusque là silencieux, parla à
son tour. Le nain grogna : « Nous l’avons toujours su, Maître Nain, répondit Itarillë. Et ma mère fut bien prête de se donner la mort pour mettre fin à cette malédiction. Son trop fort amour de la vie l’en a empêché, et j’ai ce même amour, commun à tous les elfes, qui nous interdit, ou presque, le suicide, ou le sacrifice. » « Je me demande que fera votre petite, quand elle sera la nouvelle Porteuse… Elle n’est qu’à demi elfe, désormais. Votre sang aura-t-il les mêmes effets, porté par une demi-humaine ? Et saura-t-elle résister aux chants de l’Epée, si celle-ci appelle de nouveau ? » L’humain se rembrunit, mais il ne sut pas quoi ajouter. Ingwë,
et il ne se rappelait même plus de son nom humain, après
une vie entière vécue chez les elfes, n’avait jamais
songé à la malédiction qui pesait sur l’élue
de son cœur, et ni l’un ni l’autre n’avaient hésité
au désir d’avoir cette enfant que sa femme tenait tendrement
dans ses bras. Mais jamais ne s’était posé la question
essentielle : une demi-elfe saurait-elle être la dépositaire
de l’Epée, en résistant à la tentation de s’en
servir ? Déjà, dans le passé, Itarillë lui avait
raconté que plusieurs porteuses, même alors qu’on n’avait
jamais lié l’Epée à un mâle, avaient
cédés, souvent pour se sauver la vie, et avaient nourries
l’épée en âmes, en l’employant pour se
battre. Et à chaque fois, les récits convergeaient à
dire que l’elfe avait été souillée, enivrée
par ce que l’arme lui donnait en échange de ces âmes
volées. Et même si elles avaient finalement résistés,
et transmis l’arme, quelle corruption avait pu suivre la lignée,
et comment une fille qui n’aurait qu’une moitié de
sang elfe y résisterait ?
VII: Fuir, encore et toujours.« Cela ne cessera donc jamais plus ? » A l’aube, Duvnarel viendrait les chercher, pour les emmener à
Feathemoon, au cœur du sanctuaire des Sentinelles, au cœur du
sanctuaire des sœurs de Zénia, qui l’avaient rejetés
et condamnées à l’Exil Intérieur depuis trois
ans et demi. La jeune elfe mourrait de peur, et savait qu’elle ne
devrait jamais parler ou croiser l’une des Sentinelles, ou dire
son vrai nom, qu’elle devrait cacher son épée. Et Nausicaâ le savait bien. Elle serait là-bas face à elle-même, et personne d’autre. Mais Duvnarel en avait décidé ainsi. Ce serait Feathermoon, ce serait le sanctuaire où sa fille ne pourrait être enlevée sans risques, et où elle serait protégée, et Zénia avait, dans ce réflexe si courant chez elle de refuser de se prendre elle-même en considération, acquiescé à ce projet. Nausicaâ avait protesté, mais elle n’avait pas son mot à dire à cela. Et, enfin, Zénia dormait… dans une heure, il faudrait se lever, et la guerrière n’avait pas dormi plus d’une heure, elle serait épuisée pour un long chemin, terrifiée et blessée par le lieu où ses pas allaient la mener, mais elle n’avait même pas hésité. La Combe avait été un choix en urgence, dans Désolace,
pour évacuer Nausicaâ quand Serraghost avait par son silence
et sa méfiance prouvé qu’il avait bel et bien employé
des agents pour suivre Nausicaâ, peut-être même la pierre
qu’il avait offert à l’adolescente, et qu’elle
lui avait jeté au visage de colère, quand il refusa de répondre
à ses question, après avoir méprisé de manière
hautaine et Duvnarel, et Zénia. Elle essaya de faire la liste des gens qui lui en voulaient, d’une
manière ou d’une autre. Nausicaâ soupira, son regard se portant sur l’arme incriminée,
belle, éclatante, mais si inerte, innocente, immobile, ainsi posée
au sol dans ses linges. Nausicaâ regarda le ciel, ses yeux rouges avalant la lumière de l’aube. Le prix devenait lourd, trop lourd, à faire payer aux êtres qu’elle aimait. Trop lourd pour elle, trop lourd pour le supporter. Si Zénia, là-bas, venait à souffrir, ou pleurer, elle savait qu’elle n’aurait qu’une chose à faire… Et, devant le soleil de l’aube, elle laissa vaquer son âme au gré de cette certitude qui fit couler une larme à son visage d’enfant.
VIII: MoongladeZénia achevait de construire la petite cabane dans le bosquet
surplombant le lac. Elle fixait avec de la corde, sur les montants de
bois, des branches feuillues, que Nausicaâ lui aidait à tresser
et entrecroiser comme elle pouvait. L’abri serait haut, et solide,
l’elfe avait visiblement un certain talent à construire une
hutte, talent dont était bien démunie sa jeune amie, qui
le plus souvent s’était contenté de l’aider
maladroitement. Nausicaâ n’avait à vrai dire que peu campé
ou dormi à la belle étoile dans sa vie. L’immense
majorité de son existence avait été d’être
enfermée entre quatre murs, et même si elle avait erré
pendant une année, elle avait toujours eu un toit sur la tête,
et un feu de cheminée à proximité. Zénia avait d’ors et déjà décidé qu’elle visiterait Reflet de Lune avec sa belle aimée, en évitant les zones habitées ; mais Nausicaâ avait du mal à sourire, ou se détendre, et regardait les lacs avec amertume. Il avait fallu payer cher pour mettre un pied dans ce qui son esprit d’enfant nourri de contes de fées et de livres de romances était un paradis… pour découvrir qu’elle devrait y rester cachée, encore plus qu’elle ne l’avait été, à la manière d’une bête sauvage. Zénia et elle avaient fait des sauts à Auberdine pour y trouver le nécessaire pour rendre leur hutte plus confortable, mais à chaque fois, le risque était grand qu’elles y furent vues, et Zénia partait seule, pour aller chercher les affaires restantes à la Combe de Nijel, et de quoi meubler leur refuge, ainsi que des nouvelles et le courrier, laissant l’adolescente cachée au milieu du Bosquet. Et Nausicaâ attendait que le temps défile, que le soleil
embrase le ciel, le parcourt, suive sa trace journalière, et retombe,
pour laisser un crépuscule au goût amer de défaite.
L’Epée posée dans la hutte semblait trôner comme
une maîtresse cruelle et jalouse sur sa vie de petite humaine, et
parfois, parfois, depuis qu’elle avait traversé les terres
dévastées et corrompues de Gangrebois, après le massacre
des furbolgs Deadwood que sa mère avait imposé pour qu’elle
et Zénia puissent franchir le couloir des Timbermaw, après
ce bain de sang et ce carnage auquelle elle avait été contrainte
des heures durant, pour ne laisser derrière elle qu’un champ
de cadavres déchiquetés par les griffes d’une Duvnarel
éprise de massacre, parfois, l’épée semblait
murmurer. Tout ce qu’elle savait, c’est que même ici, au sein
du sanctuaire sacré des druides, Duvnarel avait assez peur pour
la cacher aux yeux de tous, qu’elle sombrait dans une colère
et une haine sans bornes qui la rendait méfiante même de
ses frères, et que l’Epée devenait lentement un fardeau
maudit qui attirait de partout de terribles ennuis, dont Zénia
et sa mère faisaient les frais. Elle voulait fuir, elle voulait
se cacher, elle aurait voulu être seule, loin de tout le monde,
arrêter de faire souffrir et effrayer les gens qu’elle aimait,
elle aurait voulu qu’on l’oublie dans un coin, que la nuit
tombe et que son existence s’efface, et ne reparaisse jamais. Mais
elle était incapable de même envisager l’idée
de fuir Zénia ou Duvnarel, et encore moins capable de leur désobéir. Le toit fut bientôt fini, et Nausicaâ vint quémander
un baiser à Zénia, avant de s’installer à l’entrée
de la cabane, pour ouvrir son courrier. Elle n’avait plus de nouvelles
de Kerla, et avait écrit à Sonate, le chef de l’Equipage
de la Maraude, pour avoir des nouvelles de celle qu’elle considérait
comme une grande sœur. « Bonjour, Nausicaâ, Kerla est morte, je suis désolé. Sonate » Nausicaâ tint la lettre devant elle, immobile, paralysée et foudroyée par ces quelques mots. « …Kerla est morte… » Elle resta immobile, tenant la lettre, paralysée, très
longtemps, avant que Zénia ne vienne, étonnée que
son aimée ne réponde plus. L’elfe prit la lettre qu’elle
parcourut rapidement, et Nausicaâ la regarda, silencieuse. Les larmes
ne vinrent pas, pas avant longtemps, les mots ne vinrent pas non plus,
pas avant des heures plus tard. Kerla l’enfant perdue que Nausicaâ
avait accueillie et rassurée comme elle avait pu, si longtemps
avant, été morte… Quelle que soit la manière
dont elle l’avait été, il n’y avait que ce constat
affreux : elle était morte. Juste à coté, posée au sol, entourée de linges, une épée frissonna, laissant dans l’air un écho à peine palpable que seul un arcaniste eut senti. Elle appelait, appelait doucement, cherchant une faille dans sa Porteuse ou ses proches, pour trouver, dans ce combat qu’elle mène depuis des millénaires, une porte de sortie, un moyen de se libérer. Et dans l’âme fracassée et vaincue de la jeune adolescente héritière de la lame maudite, s’infiltrait doucement la faille, la petite blessure devenue assez large, assez profonde, pour y glisser le pire des poisons : le Doute.
IX: murmures.Elle dormait, blottie contre Zénia. Derrière elle, Duvnarel
la couvrait de son bras, serrant les deux jeunes filles d’un geste
maternel. Et Nausicaâ entendait les mêmes murmures que chaque nuit. Nuit après nuit, l’Epée murmurait, mais au matin, aucun mot n’avait laissé un souvenir. Juste le Doute… Mais de manière si lente, de manière si insidieuse… « Tu vois qu’elles pleurent. Tu vois qu’elles te cachent, et qu’elles ne vivent plus depuis que tu es entré dans leur existence. Tu es une malédiction, pourquoi leur impose-tu ta présence, pourquoi, alors que tu les torture ?... » « Kerla est morte. Magdaléna est morte aussi. Melowen est morte. Ta Liandra est morte !! Personne ne pourra t’aider sans finir par en mourir. Elles vont mourir elle aussi ! Et tu ne peux rien empécher ! » « Pourquoi ne cherche-tu pas toi-même à en savoir plus sur Moi ?... Si tu savais te servir de Moi, tu pourrais alors revenir les protéger, les aider, ton amour aurait un sens. Mais j’oubliais… tu es si lâche… Si lâche. Finalement, Ioans avait raison de faire de toi un pantin et une esclave, tu n’es destinée à rien d’autre. » « Ne voit-tu pas à quel point tu fais honte à la Lumière, à quel point tu fait honte aux elfes, à quel point tu ne mérite rien ? Si tu savais Me manier, si tu te servais du pouvoir de la Légende, tu pourrai renverser le cours des choses, tu ne serai plus une petite chose lâche et faible. Tu pourrai protéger, et non n’exister que pour être protégé comme une invalide. » « Je peux changer le Monde. Tu peux trouver comment Me manier, il suffit que tu aille chercher dans les Livres, dans les Légendes. Qu’attend-tu ?... Qu’on te protège ta vie entière, et que ta vie ne serve qu’à détruire celle des autres ?... Que Zénia périsse elle aussi ? Ou ta « prétendue » mère ? » L’Epée n’avait que la nuit, que le Rêve, pour
parler à l’esprit de sa Porteuse. A travers ses murmures, l’Epée laissait aussi s’échapper
sans contrôle des images floues, incertaines, d’un passé
si lointain. Si quelqu’un d’autre, à cet instant, avait
pu les voir, il aurait vu le Mont Hyjal, et le Puit d’Eternité
où fut trempée la lame. Il aurait vu le même Mont,
dévasté, et le corps immense d’Archimonde, et aurait
presque « vu » les hurlements inhumains que poussent toutes
choses devant la dépouille corrompue du démon. L’aube éclairait la cabane, et tout Reflet de Lune. Dendrite
Starblaze se demandait toujours s’il avait bien agit en accordant
sa confiance à Duvnarel, après avoir vu et surtout «
senti » cette petite demi-elfe qui avait tan bouleversé l’honorable
druidesse au point d’en faire sa fille. Le soleil frappa la surface du Lac… Une nouvelle journée d’automne commençait sur Moonglade. X: toutes les larmes du monde
Sybil souriait. Cela arrivait peu, et la druidesse n’avait aucune
habitude à sourire… sauf tristement, parfois. Mais la druidesse avait tout entendu hier soir, et en fait, il était
plus facile d’essayer de savoir ce qu’elle n’avait pas
entendu. Tel une ombre, elle veillait depuis des jours, jamais loin des
deux filles, sauf en de rares cas. Et l’un de ces rares cas avait
failli devenir une catastrophe. L’enfant était encore une fois blessée moralement,
et essayait de retenir ses larmes, devant Arowan, Duvnarel et Ezequeil.
Zénia la serrait contre elle. Sybil les suivit. Savoir les pensées qui agitaient la druidesse
solitaire était difficile, voire impossible. Sous forme féline,
invisible, elle rejoint la mère et ses deux filles près
de la petite cabane, et écouta. Sybil ne soupira pas, ne bougea pas, n’intervint pas. Elle gardait
pour elle le jugement de son erreur. Au-delà de trois minutes perdues
à sa vigilance, il y avait une erreur fondamentale, et cette erreur
avait un prix qu’elle voyait à l’instant. Duvnarel finit par disparaître. Sybil la suivit facilement du regard.
La druidesse allait s’isoler, et Sybil sentit sa présence,
au fond du lac, loin de tout bruit, de toute tension. Quand Nausicaâ s’enfuit, la druidesse n’en fut pas surprise. Elle suivit l’adolescence, ne perdant pas du regard Zénia qui la poursuivait. La fuite semblait tellement la seule solution possible… une évidence mortelle, une autre erreur, mais elles avaient besoin d’en faire pour en apprendre l’essence. Il était temps qu’elles en fassent, en fin de compte. La fuite s’arrêta aux portes du tunnel vers Gangrebois. C’est
la détresse et la souffrance de Zénia qui mit fin à
la fuite. C’est son appel au secours désespéré
vers sa jeune compagne, ce sont ses larmes, c’est sa détresse
qui réveilla ce que Nausicaâ tendait à oublier, aveuglée
par sa culpabilité. Et c’est leur amour qu les fit redescendre,
Zénia guidée par la main par Nausicaâ, refusant que
sa propre détresse parvienne à détruire la fragile
elfe qu’elle aimait tant. Sybil laissa Duvnarel méditer. La très ancienne druidesse vivait les affres d’autres doutes, d’autres douleurs, mais il serait bien temps pour elle de vivre un instant de bonheur, et d’en profiter pleinement. Sybil n’avait pas réellement les moyens de donner des leçons sur le bonheur. Elle eu un sourire triste et amer. Mais ses pensées n’allèrent nulle part. Personne n’aurait pu dire ce qu’elle cachait, ou ce qu’elle ressentait… Depuis le jour, les deux jeunes femmes, obéissant à la
« punition » de leur mère, approchaient les animaux,
les comptaient, essayaient de voir si elles en trouvaient des malades.
Elles avaient eu à courir après un lapin blessé,
ce qui avait pris vingt bonnes minutes de maladresse. Elle essayaient
de savoir si aucun animal n’était malade, blessée,
ou atteint par la Corruption proche de Gangrebois.
XI: désespoirLe sommeil, parfois, repose, et parfois, il guide. Parfois il apporte de lointains messages, et parfois offre de lointains rêves. Il peut aussi apporter terreur ou désespoir. Et de temps en temps, il se contente de veiller les pensées et les doutes de l’être endormi. Elle dormait, plus profondément que cela lui était rarement arrivé. Sa mère, veillante, observait les pensées vacantes de la jeune fille, lui interdisant l’accès au Rêve. Elle frôlait souvent, trop, même, le monde spirituel des druides, comme si la découverte d’un nouveau champ de l’existence l’attirait à s’y perdre. Qui avait commencé ?... Duvnarel, ou Sybil ? Quoi qu’il en soit, c’était trop tard, la jeune fille savait désormais entendre et parler à travers le Rêve et son esprit sans entraînement y accédait de manière chaotique et sans préparation. Un papillon cherchant la lumière qui lui brûlerait les ailes. Et elle avait bien failli s’y brûler, refusant de revenir, attirée par le néant, par le gouffre, la facilité à se perdre dans les brumes pour trouver un repose si aisé et si accessible. Duvnarek frémit. Et désormais, sa fille avait entendu et senti la présence de sa mère naturelle, Itallirë, qui avait pu joindre les druides, et surtout sa propre fille, à travers le rêve. Il s’était passé trop de choses, trop de choses à gérer, trop de choses qui dépassaient cette enfant qui dormait… Les druides savaient désormais ce que la demi-humaine pouvait
faire, et pour ceux encore qui n’avaient pas été mis
au courant, le rapport entre elle et certaines légendes. Nausicaâ dormait. Ses songes allaient du rêve au cauchemar,
parfois, un léger tremblement la prenait, que Zénia calmait
d’un geste tendre. Ses pensées dans le songe cherchaient
à savoir si ses actes avaient servit à quelque chose, si
elle avait pu au moins être utile. En fin de compte, il ne restait rien, elle ne pourrait jamais aider les druides, elle ne pourrait être d’aucunes causes, condamnée à attendre qu’on la délivre du poids de sa malédiction, dépendant des autres. Tout effort pour essayer d’être utile était réduit à néant, voué à l’échec. Elle était piégée sans espoir de s’échapper de ses propres doutes. Elle entrainait dans ses échecs les échecs des gens qu’elle aimait, et désormais, elle n’avait aucune échappatoire. Vivre, pour elles, simplement vivre, mais cela avait-il un sens ?... Voir le jour se lever, le soir se coucher. Elle fut submergée par les échos des merveilleux moments passés avec sa mère et son aimée, les moments de tendresse, ceux d’amour, mais pourquoi tellement d’amertume, pourquoi, enfin, se dire qu’elle ne pourrait jamais vivre ce bonheur là, que ces deux femmes voulaient tant lui offrir ? Parce que derrière elle ne cessait de flotter l’ombre d’une malédiction vouée à dévorer tout ce qu’elle touchait, parce qu’en fin de compte, elle ne pouvait rien construire, juste détruire. Elle appela dans son sommeil, et Zénia la calma doucement. Le gouffre avait été un choix si simple, tellement simple, et à son retour, elle n’avait vu en fin de compte que la folie foudroyer Duvnarel et la douleur submerger Zénia. Le monde était trop compliqué et mauvais pour elle, elle voulait tellement, tellement fuir, essayer d’être finalement, oubliée de tous. Si elle avait eu un souhait, c’est celui-ci qu’elle aurait fait : disparaître oubliée de tous, pour les laisser en paix. Elle frôla encore le Rêve, mais Duvnarel veillait. Elle pleura en elle-même, elle rêva y retourner et s’y perdre pour ne pas revenir. Il faudrait affronter le jour, affronter la vie, affronter leur amour et leur compassion. Elle aurait tellement préféré qu’elles la haïssent…
Interlude: dix jours de paixReflet de Lune ne connaît jamais le jour réel. Reflet de
Lune ne connaît jamais la nuit réelle. Baignée dans
l’aura de l’immense Puit de Lune qu’il abrite, reflété
par le lac Elun’ara, il y fait toujours doux, la pluie s’y
fait discrète, la nuit à peine fraîche, la lune presque
invisible, l’orage toujours lointain. Et dans un coin, une petit cabane qui a fini par prendre une allure de petite masure de bois modeste d’où sort parfois un peu de fumée. Il y a dix jours que Nausicaâ, Zénia, et Duvnarel vivent là. Une vie simple, voir presque primitive. Les lacs pour bains, l’eau à y chercher, le temps qui passe. Une sorte de bonheur simple, auquel Duvnarel se laisse prendre, parfois, comme ses deux filles, enivrée par la simplicité de n’avoir rien à gérer ou penser. Un mensonge, bien sûr, mais un beau mensonge, doux et agréable. A part quelques voyages à Auberdine pour s’approvisionner, elles ne quittent pas les lieux. Elles dorment dans la cabane, serrées les une contre les autres. Le jour, Duvnarel profite de ses filles et de nouveau rôle de mère, et rit souvent. Quelle maladresse chez ces deux adolescentes qui ne connaissent rien à la vie sauvage. Elle leur a apprit à cuisiner un peu, mais aussi à trouver herbes et épices. Le nom des oiseaux, des petits mammifères, des plantes, la façon dont tout ce monde se coordonne dans un immense cycle de vie qu’elle-même ressent fans son être. Nausicaâ n’est pas une elfe. Enfin, ce n’est pas tout à fait vrai. Quelle surprise pour Duvnarel de voir que sa fille peut lui parler à travers le Rêve, même maladroitement. Elle aurait tellement de choses à apprendre à la jeune fille. Celle-ci a, un temps, semblé souffrir de perdre ses repères, surtout spirituels. Elle est loin de tout autel de la Lumière. Elle a parfois émis l’envie d’aller prier près du Puit de Lune, mais Duvnarel s’y est opposée. Puis elle n’a plus demandé. Elle cesse doucement, trop doucement peut-être, d’être
un être faible et soumis de nature. Elle rit souvent, joue souvent,
semble vouloir rattraper le plus possible des jeux et des bonheurs d’enfant
qu’elle a perdu et qu’elle ne connaît pas. Son admiration
et son amour pour les animaux en est touchant. Parfois gênant aussi.
Elle ne mange pas de viande, et a rechigné au dernier degré
quand on l’a forcé à le faire, se rendant visiblement
malade. Sybil, la druidesse, veille toujours, jamais très loin, toujours silencieuse, et invisible, sur les trois femmes. Parfois, elle vient parler, partager un dîner, puis repart, seule. Et parfois elle parle un peu, à Zénia surtout, ou à Duvnarel. Elle laisse à la mère et ses deux filles des moments de
paix qui ne sont que trop fragiles. Peut-on être une famille, en dix jours de vie commune ?... la question ne se pose ici même pas, elles ne se la posent pas, ce sont dix jours de tendresses, où les voiles de peur, d’angoisse et de tristesse sont masqués ou oubliés pour céder la place au plaisir de vivre. Demain, peut-être, tout sera fini, la mort viendra, ou le cauchemars. Derrière les barrières montagneuses de Reflet-de-Lune, l’horreur, elle, n’a ni frontières, ni limites. Il n’importe qu’une chose pour Duvnarel : son enfant a cessé de cauchemarder, et malgré les derniers événements, elle a appris à dormir, et ne pas se réveiller avant l’aube en criant et demandant pitié. Elle renait à la vie, et Zénia quand à elle réapprend la confiance. Cela ne durera peut-etre pas, mais quand il le faudra, peut-être aura-t-elle le courage d’apprendre à ses filles à affronter l’horreur et la mort avec dignité. Jusque là… elle est une mère.
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